lundi 24 janvier 2011

Une guerre abominable, et qui a trop duré

70 000 morts depuis 30 ans. Cette guerre a beaucoup trop duré. Bien sûr, le gouvernement a beau jeu de dénoncer les « terroristes », leurs exactions et les attentats suicides qu’ils ont menés régulièrement: reste que la répression de l’armée régulière a tué un nombre considérable civils. Rien n’excuse cela, ni le soutien apporté par la diaspora à l’étranger de l’adversaire, ni l’échec des pourparlers de paix menés sous l’égide de la communauté internationale, et n’ayant aboutis à rien.

Palestine/Israël ? Non, bien sûr : Sri Lanka ! L’étude des deux premières phrases du précédent paragraphe permet de démolir un certain nombre de mythes au sujet du conflit le plus médiatisé de la planète, tout en rendant hommage à nos amis de Ceylan, un peu trop réduits à des cultivateurs de thé dans l’imaginaire occidental, et à quelques autres.

« 70 000 morts depuis 30 ans ». Ca fait beaucoup ? C’est vrai. En comparaison, le conflit proche-oriental apparaît ridiculement peu meurtrier, avec moins  de 8 000 victimes sur les 15 dernières années ! Et ce n’est pas qu’un exemple au hasard. Somalie : 16 000 civils tués depuis début 2007.  Colombie : 200 000 morts en 38 ans. Darfour : peut-être 300 000 tués depuis 2003. RDC : 5,4 millions de victimes entre 1998 et 2003 lors de la Seconde Guerre Civile, principalement en raison des famines et des déplacements forcés de population. Quelle conclusion en tirer ? Que les médias, et partant, les populations, parle trop d’un conflit précis, ou pas assez des autres ?

« Cette guerre a beaucoup trop duré ». Voici un poncif particulièrement stupide. Sur le Proche-Orient : visiblement, plusieurs parties prenantes ne partagent pas cet avis. Le Hamas, d’abord, qui n’a pas renouvelé une trêve qui avait tenu, tant bien que mal, pendant 5 mois. Le gouvernement israélien ensuite, qui ne s’est pas contenté de répliquer aux tirs de roquettes par une campagne aérienne, mais a lancé une opération d’envergure pour affaiblir militairement le Hamas. L’Egypte, enfin, discrètement aidée par l’Arabie Saoudite, qui ont soutenu indirectement cette offensive – parfois très directement, l’Egypte fermant sa frontière avec la bande de Gaza. Tous ces gens ont plus d’influence que les donneurs de leçon de salon en Europe.

Plus généralement, le discrédit de la force est devenu un incontournable de la pensée européenne. Ainsi le grand contre-sens moderne consiste à éviter à tout prix un conflit armé, et dès qu’il se manifeste, tenter de l’arrêter. Mais n’est-ce pas en réalité la meilleure méthode pour prolonger indéfiniment une guerre, quand on refuse qu’il y ait un vainqueur clair?
Prenons l’exemple colombien : qu’attendre de la guérilla des FARC, narcotrafiquants enfermés dans leur jungle, privés du moindre soutien populaire (sauf une bonne partiel des intellectuels français, qui représentent somme toute peu de choses) ? Une trêve précédente acclamée par les pacifistes et humanistes autoproclamés, en 1998, n’avait abouti qu’à renforcer militairement cette organisation terroriste, lui permettant de réarmer. Seule une offensive continue et permanente, couplée et au soudoiement de la plupart des guérilleros démoralisés par les défaites militaires, pouvait permettre de délégitimer les FARC, les marginaliser, les réduire, et enfin les éradiquer. C’est ce qu’à fait Alvaro Uribe, qui a refusé les pourparlers de paix, uniquement pour pouvoir finir cette guerre…manu militari. Sans oublier les mesures d’accompagnement, traduisant une grande sagesse politique : réintégration des ex-guérilleros, démobilisation des milices d’extrême droite pour ôter tout alibi à l’extrême-gauche, démocratisation accrue du pays, etc… Combien, ici, pour le féliciter d’avoir mis fin à cette guerre qui a décidemment trop duré ?

Situation identique avec le Sri Lanka : il y a quelques années les pacifistes, après un magnifique processus de paix qu’ils avaient réussi, sous l’égide de la Norvège, à initier, avaient bêlé en cœur contre le nouveau pouvoir élu à Colombo, oubliant un peu vite que la trêve avait été rompue par les Tigres Tamouls eux-mêmes, et que leur processus de paix autocélébré n’avait abouti à rien. La posture belliciste des autorités sri-lankaises, dans un contexte de recul du soutien mondial au terrorisme, a tout de suite été décriée. Aujourd’hui on s’aperçoit qu’elle a pourtant permis d’éteindre la guérilla tamoule, qui ne comprendrait plus aujourd’hui que quelques centaines de combattants. Celle-ci, qui n’a jamais hésité à recourir au terrorisme, à prendre en otage les civils comme boucliers humains, et à rançonner toute la population tamoule elle-même, n’a plus vraiment de soutien sincère de la part de la population, si tant est qu’elle en ait jamais eu. Après 70 000 victimes, et quelles que fussent les exactions dont la partie sri-lankaise s’est rendue coupable, il ne fallait pas songer à autre chose que de combattre inlassablement la rébellion. Avec des résultats probants : ce sont des milliers de vie qui seront sauvées par l’élimination des Tigres. Il ne restera plus qu’au régime de Colombo, s’il en a la sagesse, à élargir le processus d’intégration des tamouls et à revenir sur les mesures discriminatoires les concernant pour mettre un terme définitif à cette guerre, qui a décidemment trop duré.

Idem en Irak, aujourd’hui quasiment pacifié et demain, n’en doutons pas, en Afghanistan, quoi qu’en disent nos pacifistes. Osons une pensée iconoclaste : si la communauté internationale ne s’était pas penchée de façon répétée et insistante sur le conflit israélo-palestinien, ainsi que les médias et les populations évoqués plus haut, la solution militaire couplée à un peu de sagesse politique aurait sans doute permis d’éteindre ce conflit, qui a décidemment trop duré.

S.D. – CC17 « La Rencontre » - Janvier & Février 2009

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