On les croyait finies comme un parti communiste français, anéanties comme les chances de titre du PSG, avortées comme une Union Méditerranéenne, euthanasiées comme Chantal Sébire dans quelques jours. Mais telles les blattes, elles sont toujours là : plus discrètes sans doute, mais pas moins collantes, omniprésentes, et répugnantes.
Elles : les guerres bien entendu. Ce petit mot est devenu gros depuis que les Européens ont jugé bon de noyer le XXe siècle sous leur sang, dans les affrontements les plus homériques, les plus barbares aussi, de l’Histoire. Place alors aux rêves de nation universelle, à la prohibition du conflit armé, à la paix perpétuelle machinalement garantie par le « machin » onusien. Place à l’illusion surtout. Si la guerre a parfois changé de forme, d’intensité ou de théâtre, elle nous entoure, nous regarde, nous guette aussi. Mars, honteusement confiné à une confiserie populaire, reprend du service malgré nos jérémiades pacifistes et postmodernes. En un mot, il contre attaque.
En Amérique Latine, la Colombie a bien failli faire mentir son appellation pacifique en engageant des opérations armées contre le royaume du roi-clown Ubu Hugo Chavez et son allié équatorien. Motif : l’élimination, sur le territoire de l’Equateur, du numéro 2 des FARC, une organisation narco-communisto-terroriste, évidemment idolâtrée comme résistance légitime à la dictature latifundiste et proaméricaine par tous les imbéciles concentrées dans le lectorat et le comité de rédaction du Monde Diplomatique.
En Afrique, la République fort peu Démocratique du Congo n’en finit pas de ne pas en finir avec la guerre civile qui la ravage depuis dix ans. Un dispositif important des forces armées de la glorieuse république française est actuellement en train de mener une courageuse opération active de figuration au Nord Est du pays. Dans le même temps, les armées marocaines et algériennes se font face au Sahara occidental, prêtes à dégainer - milice sahraouie et instructeurs cubains interposés contre armée royale indirectement soldée par les Américains. La guérilla sans doute la plus cruelle du demi-siècle écoulée, la LRA, ne dépose toujours pas les armes en Ouganda, pendant que rebelles tchadiens soutenues par le Soudan et rebelles soudanais soutenus par le Tchad affrontent les armées respectivement soudanaises et tchadiennes dans le Soudan et le…oups, je me suis égaré.
Reprenons : l’Afrique ne s’en sort pas.
Quant à son voisin Moyen-Oriental, il ne peut guère pavoiser. Constatons tout de même que le commerce entre Israéliens et Palestiniens se porte mieux que jamais, mais enfin l’échange de roquettes contre missiles n’a jamais été un vecteur très puissant d’intégration économique. Cette guerre qu’on s’obstine à ne pas nommer par son nom entre la bande de Gaza et l’état hébreu n’est qu’un des versants d’un affrontement plus large : celui qui oppose les pays sunnites, Arabie Saoudite en tête, et la puissance chiite iranienne et ses affiliés – notamment le Hezbollah au Liban, pays au bord de la guerre civile depuis la fin de la précédente guerre civile. En Irak, de courageux résistants à l’impérialisme états-unien font dynamiter des handicapées mentales télécommandées sur des marchés grouillant de leurs frères ; phénomène terroriste qui ne menace pas moins que l’Egypte, la Jordanie, la Tunisie, l’Algérie, l’Arabie susmentionnée. Turcs et Kurdes s’affrontent à cette heure en Irak.
Heureusement que l’Asie se porte mieux, direz-vous. Il est vrai qu’entre le Sud de la Thaïlande où une insurrection terroriste se déploie depuis quelques années, le Sri Lanka qui s’entre massacre, les Philippines qui ne voient pas régresser les groupes islamiques armés, le Bangladesh et son grand frère pakistanais qui comptent plus d’attentats que de jours ouvrables, cela ne fait pas grand-chose. Les amateurs de films d’action doivent donc prier pour que le réarmement massif chinois soit le symbole d’une partie de boxe à venir, par exemple avec Taiwan ou avec ses propres ressortissants tibétains. Ou que la Corée du Nord n’exporte plus ses troupes comme cohortes prétoriennes vers des pays inutiles tels le Zimbabwe, mais sur des théâtres d’action plus actifs.
On en oublierait que l’Europe vient de voir la naissance d’un nouvel Etat albanais, arraché à la Serbie sous les bombes euro-américaines. Ou que des tueurs basques continuent d’œuvrer aujourd’hui, sensiblement trop nourries par rapport à ces recettes domestiques (extorsion de l’impôt révolutionnaire), ce qui suggère un financement par un partenaire plus solide…
Bref, en un mot, la thèse de cet article : l’actualité nous présente les déchaînements de violence comme de micro-événements anecdotiques, sortis de tout contexte. Loin des théories du complot, force est de constater que cela procède d’une grande paresse journalistique : que diable fait le chef d’état major d’une superpuissance terroriste sur le territoire équatorien, si ce n’est s’y réfugier ? D’où proviennent les milliers de missiles Hezbollahis ; sans doute de zones industrialo-portuaires dans les vallées semi-désertiques du Sud Liban ? Ou le Soudan trouve t-il ses hélicoptères de combat, sachant qu’un embargo quasi-international frappe les importations d’armements du pays ?
Concluons enfin : l’Europe pensait vivre dans l’ère du multiculturalisme consumériste planétaire, de la Star Academy comme horizon politique, à peine troublé par quelques poseurs de bombes illuminés en lutte contre l’injustice sociale. Mais la vérité est plus simple : les guerres se déroulent toujours entre nations autour de nous, diplomates, armements et milices interposées. La question de la coexistence des Nations n’a pas plus de réponse qu’elle n’en avait au début du siècle. En bref, Mars n’est pas encore reparti.
S.D. – CC10 « La Guerre» – Mars 2008
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