Que se cache-t-il derrière ce nom digne d’un album de Blink 182 ? Bien plus qu’un parc où tous les ados du coin viennent s’adonner à des démonstrations de skate, épreuves de force à leur niveau, dans cette vie monotone, qui semble figée dans l’attente. Alex, 16 ans, assiste à la décomposition lente de sa famille, subit une petite amie envahissante, et est confronté à l’incompréhension de ses amis qui font encore semblant de croire en leur avenir. Lorsqu’il met les pieds dans cette cour des grands qu’est Paranoïd Park, il sait qu’il ne pourra plus jamais vivre la vie qu’il avait avant ; et pour cause, un drame, un fait divers dont il fuit la responsabilité va tuer l’enfance qu’il lui restait, et le projeter de force dans la vie adulte.
Après sa trilogie sur la solitude (Elephant, Gerry, et Last Days), Gus van Sant reprend, avec son nouveau film, les thèmes de la jeunesse, de la solitude, de l’incommunicabilité, et de la mort, mais hélas sans y apporter grand chose de plus. On en arrive à déplorer ce qui apparaît pourtant comme un bijou d’esthétisme car il vient se placer dans la filmographie de Gus van Sant, comme une régression. Il a, certes, pris soin de prendre à ses côtés, dans son équipe, Christopher Doyle qui avait réussi à sublimer chaque détail, chaque rayon de lumière, chaque nuance de couleur, jusqu’à réinventer une définition de l’image, dans les films de Wong Kar Waï. Mais il revient à ses premières amours et s’il peut trouver quelque plaisir ou nécessité à le faire, il ne la communique pas. On peut donc, hélas, considérer Paranoïd Park comme une variante d’Elephant alors que les deux films qu’il avait réalisé après celui-ci apportaient clairement un élément en plus dans son univers cinématographique. On y retrouve en effet, outre la toile de fond, qui fait sa marque de fabrique, une mise en scène faisant suivre les mêmes plans mais sous une prise de vue différente, et derrière cette fausse neutralité, se profile un positionnement progressif du cinéaste qui présente toujours l’environnement de son personnage comme une explication, voire un prétexte à ses actes.
Cependant, les quelques séquences, césures, car c’est bien de poésie qu’il s’agit dans ces images, où l’on voit ces skaters s’adonner à de véritable chorégraphies dont la grâce pourrait être digne de ballets classiques, pourrait suffire à rattraper cette frustration du déjà-vu, s’elles n’étaient pas obstruées par une musique, celle, notamment, de Nino Rota qu’il avait composée pour Juliette des Esprits de Fellini, appartenant à un univers excentrique et fantasmagorique qui est aux antipodes de celui de Gus van Sant. Si le propos du film en lui-même demeure parfaitement clair car déjà maintes fois rebattu par le cinéaste, sa démarche artistique en elle-même demeure bien obscure et ne parvient hélas pas à ramener et contenir ce film fragile à la simplicité du jeu extraordinaire de ses acteurs. Ce sont eux, en effet, qui portent juste ce qu’il faut de sensibilité et de cynisme à la vie près et après Paranoïd Park: la mort de l’enfance, de l’innocence et de l’indifférence.
De Gus Van Sant (2007), avec Gabe Nevins, Dan Liu, Jake Miller, Taylor Momsen, Lauren McKinney
E.C. – CC6 « La Mort» - Novembre 2007
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