Le sang coule sur le sol poussiéreux de Californie, si bien que la violence habite progressivement tous les plans. Daniel Day-Lewis se consume de l’intérieur, pourri par le pouvoir à mesure que l’or noir devient le symbole du démon qui dévore les cœurs.
There will be blood est le dernier né de Paul Thomas Anderson. A chaque film, un style différent, une poésie changée. Après Magnolia où se débattaient des êtres en manque de père et le très poétique Punch Drunk Love, sorte de délire romantique, Paul Thomas Anderson s’aventure du côté des magnats du pétrole.
Daniel Day-Lewis rentre dans la peau de Daniel Plainview, pionner de l’exploitation pétrolière, défiguré par la soif de pouvoir au point d’en perdre son âme. Paul Dano, remarqué pour son interprétation d’ado mutique dans Little miss Sunshine, fait face à ce magnat forcené en prenant les habits d’un jeune gourou religieux, Eli Sunday, qui galvanise les foules pour réparer un égo méprisé. Pétrole, religion, le vrai coupable se cache plutôt du côté des démons de l’humanité, démons que chasse le jeune Eli par des incantations grotesques. Bien que le film souffre par instants de longueurs et manque de temps à autre son propos Paul Thomas Anderson met en scène un univers riche à l’esthétique aride et brûlée.
Ce monde n’est que poussière, la terre qui s’étend à perte de vue y est sèche et émiettée, ce sol infécond ne donne naissance qu’à l’or noir qui brûle tout ce qui l’entoure. Cette Californie desséchée, absoute de vie, où se font face la brutalité d’un jeune religieux calculateur et celle d’un magnat presque « possédé », c’est le territoire du purgatoire où Paul Thomas Anderson regarde chuter les âmes tentées par le pouvoir absolu. Tout n’est que feu, colonnes de pétrole incendiées, marres de sang, même la lumière dévore la vaste étendue grise, si bien que Daniel Plainview immergera son corps dans la mer comme pour purifier sa chair. Ces personnages restent inaccessibles, l’identification salvatrice n’est pas possible, d’où l’inquiétude face à cette violence sourde que l’on ne peut pas s’expliquer. Daniel Day-Lewis atteint le sommet de son jeu à la dernière scène du film, où la folie « démoniaque » est si palpable que cela en devient très perturbant.
L’or noir a la même couleur que le sang qui coule. Ce sang qui coule d’abord par accident, pour finir par devenir le goût d’un homme pour les corps qui s’écrasent. Le pétrole n’est que le prétexte à une histoire où l’homme se retrouve seul face à sa pire ennemie : la tentation du toujours plus. La lumière brûlante et les colonnes de feu sont la préfiguration de l’enfer intérieur des personnages, dont nous allons suivre la chute. Une mise en scène des enfers, où se tord comme un diable un Daniel Day-Lewis magistral.
E.C. – CC10 « La Guerre» – Mars 2008
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