lundi 31 janvier 2011

Une journée ordinaire (dans la vie de S.D.)

Drôle de matinée, c’est l’aube, l’heure où blanchit la campagne, je dois partir. Voyez-vous, je sais que mon patron m’attend. Le réveil n’a pas sonné… fichue heure d’hiver, me voilà bien en retard.

La mort dans l’âme, je m’extirpe des bras de Morphée. C’est plein de remords qu’il me faut quitter un rêve fort agréable, sur lequel je ne m’étalerai pas davantage (pour plus de précisions, envoyer une demande à la rédaction qui transmettra). Je me précipite vers la cuisine, glisse sur le sol détrempé de la cuisine, sur lequel je ne m’étalerai pas davantage - en effet, j’ai réussi à me raccrocher à quelque chose. Quelque chose, mais quoi ? Je m’en aperçois au bout d’une fraction de seconde, après avoir hurlé à la mort : ma main est solidement agrippée sur le fer à repasser chaud qui trônait à mes côtés. J’ai mal, mais il n’y a pas mort d’homme.

Mort de faim, je me jette sur mon bol de lait dioxiné dans lequel mijotent quelques céréales : pauvres céréales, qui n’auront connu la liberté que quelques secondes, du paquet à l’intestin…Mais la triste fin de mes Choco Pops m’importe moins que l’horrible journée qui m’attend: malgré la morte-saison, mon supérieur a chargé à mort mon emploi du temps, et me voila donc a devoir boucler un rapport ch… comme la mort avant ce soir minuit. Enfin, c’est peut-être moi aussi. Après tout, il doit bien y avoir des gens intéressés par «les différentes réglementations et recommandations des instances de régulation de l’industrie pharmaceutique afférentes aux corticoïdes non stéroïdiens dans les pays de l’Union Européenne entre 1990 et 2003». Pas beaucoup de gens, sans doute.
Bref. Un vent glacial m’accueille dans la rue, je suis mort de froid. Je renifle plusieurs fois…Bizarre… d’où vient cette odeur de mort ? Des éboueurs sont-ils passés par la ?

Tout devient clair par la suite : je viens de marcher allégrement dans une déjection canine, et peu ne s’en faut que ma jambe droite n’imite la gauche (la droite qui imite la gauche, c’est à la mode en ce moment, regardez Sarkozy) tant les rues sont crottées. Le fait d’appeler à voix basse à l’extermination des vieilles et de leurs horribles caniches n’y changera rien. Je dois reprendre ma route. Je suis mortifié, mais je suis surtout en retard.

Ah les chiens…les chiens, c’est un peu comme les restaurants trois étoiles du Michelin : ils ne méritent pas leur réputation.
C’est vrai, on vante tout le temps la loyauté des chiens par exemple. Mais croyez-moi, rien de plus traître qu’un chien. Loup dévoyé, compagnon du commissaire comme du malfaiteur, ennemis de nos rues et de mes chaussures : et on appelle ça le meilleur ami de l’homme ? Le chien, un animal fidèle ? Sûrement pas. D’ailleurs on n’est jamais trahi que par les chiens.
Non, franchement, tous les chiens méritent la mort. (NDLR : à part Pluto. Il est gentil, Pluto). Si j’étais Mr Friskies, je mettrai de la mort-aux-rats dans mes croquettes.

Il est vraiment tôt, sept heures du matin (Paris s’est donc éveillée depuis déjà deux heures en principe). Sur mon chemin, je regarde cette rue triste comme la mort, dont tous les volets sont fermés. Presque tous les gens dorment encore, sauf quelques héros anonymes, vous savez, ceux des présidentielles, ceux de la France qui se lèvent tôt pour pouvoir travailler plus (pour payer plus d’impôts) gagner plus. Quelques paresseux aussi. Au numéro 27, on entend mon voisin, un bon français de souche, mort de rire en écoutant Stéphane Bern à la radio (pauvre homme). Au 28, ma voisine américaine Barbie Turick se donne la mort à petit feu à coup de somnifères. Au 29, ma voisine, une prostituée albanaise profite d’un petit temps mort après avoir passé une nuit de dur labeur (ce n’est pas elle qui laboure d’ailleurs, mais ses clients, et doublement, car ils labourent en même temps qu’ils la bourrent). Au 30, à en croire les gémissements que j’entends, mon voisin spéléologue amérindien est en train d’explorer la grotte de la squaw. Il n’y va pas de main morte, on dirait …

Bref, je poursuis mon chemin. Et c’est en entrant dans la station de métro que je me rends compte qu’il n’y a pas de métro. Et oui, c’est la grève ! J’avais oublié la journée de solidarité du service public pour la défense des droits acquis et contre la régression sociale. Le trafic est complètement mort.

Quel imbécile je fais, quand même. Heureusement qu’il me reste encore au moins mes talents de littérateur. Eh oui ! Car j’ai réussi à insérer vingt-sept expressions contenant le mot mort dans cet article. Facile, dites-vous? Ce n’est peut-être pas la mort, mais essayez donc au lieu de ricaner bêtement…

S.D. – CC6 « La Mort» – Novembre 2007

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