mardi 25 janvier 2011

Un pays - L'Europe

Au commencement, Europe n’était qu’une jeune princesse phénicienne plutôt bien faite et assez docile. Nous sommes sur les plages dorées du sud du Liban il y a à peu près 4000 ans selon Hérodote. C’est alors que Zeus, le Président de l’ONU de l’époque, déguisé en taureau blanc pour échapper la surveillance de sa femme, vint enlever la belle héritière (cf Histoire de). Après avoir vaguement enfanté, elle est finalement changée en constellation, celle du Taureau. Son sort a ému. Perdue dans les mémoires pendant quelques siècles, on retrouve son utilisation dans les textes de Varron, écrivain romain contemporain de César, pour désigner tout ce qui se trouve au nord-ouest du Bosphore, fleuve qui traverse Istanbul. Ce terme a même été repris par les Thraces au IVème siècle avant JC pour nommer une des régions de leur empire. Sa généralisation ne s’est faite qu’au XVIème siècle lorsque la Renaissance s’était déjà bien répandue dans les pays occidentaux. Et depuis, ce mot, cette femme, est sur toutes les lèvres. Quelles ont été les grandes étapes de la construction européenne ?
Comment est-on passé d’une pucelle qui découvre les faveurs taurines à l’utopie d’unification des peuples qui se font la guerre depuis que l’Homme a inventé la sédentarisation ? Cette évolution fut lente au départ comme vous avez pu le constater, mais a connu une fulgurante accélération depuis deux siècles. En voici les grands  moments.

Les grandes expéditions du XVème siècle ont joué un rôle prépondérant dans la lente prise de conscience des couronnes occidentales de leur destin commun. La découverte de l’Amérique en 1492 par Colomb (vous avez vu le film) et le succès du premier contournement de l’Afrique par de Gama en 1498 ouvrant ainsi une première voie vers les Indes (pas encore de film mais ça ne saurait tarder) ont fait prendre un recul considérable aux monarques sur le rôle qu’ils avaient à tenir. Ces navigateurs ont permis de prendre conscience de la taille réelle du monde, contraignant par là même la population occidentale à reconsidérer sa position dans un monde qui ne tournait plus autour d’elle. Les efforts de colonisation sauvages de l’Espagne et du Portugal, bientôt rejoints par l’Angleterre, la France et les Pays-Bas, ont d’abord été purement prospectifs et visaient seulement à rapporter des épices, de l’or, de la soie et autres. Sans le savoir ils amorçaient déjà la décentralisation du monde qui ne pouvait plus être à Rome. On découvrait les cultures chinoise, japonaise, mayas, incas, aztèque pygmée, zoulou et les royaumes occidentaux ont compris qu’elles étaient une partie d’un Tout, et non plus ce Tout. Fini l’âge où le monde tournait autour de cette poignée de couronnes. Il fallait alors prendre un nom pour se définir sur la nouvelle carte mondiale, d’où le rejaillissement de la belle Europe. Même si au départ, les européens ne donnaient un rôle qu’auxiliaire aux comptoirs établis de par le monde.
Vers le XVIIIème siècle, un grand  changement s’opère, tant au niveau intellectuel qu’au niveau social. Les philosophes des Lumières et les mauvaises récoltes successives permettent au peuple français de se soulever contre ses dirigeants, comme les Anglais avant eux. La fin de la Monarchie absolue et la guerre entre la France et ses voisins qui s’ensuit consolident le revirement de mentalités qui trouvera son basculement définitif avec Napoléon. C’est véritablement à ce moment que l’Europe prend forme. La première vraie Europe est incontestablement celle-là. Pour la première fois, un pouvoir central étend ses griffes d’Amsterdam à Naples et de Madrid à Berlin. L’humiliation de l’Espagne ou de l’Allemagne développe le nationalisme et l’Europe entière coalisée contre Napoléon aura raison de cette unification sans doute prématurée.
La révolution industrielle s’est propagée en Europe de l’Ouest et la seconde vague de colonisation instiguée par la France en 1830 avec sa conquête de l’Algérie entame un long siècle de consolidation frontalière, surtout dans les Balkans où l’Empire Ottoman perd peu à peu toutes ses possessions. Les deux guerres mondiales laissent exsangues les pays européens, bien aidés par la crise de 1929. Les pays sont obligés de se concentrer plus sur eux-mêmes, abandonnant ainsi peu à peu leur emprise sur les colonies qui développent des revendications indépendantistes plus ou moins heureuses.

L’Europe revêt une forme palpable au lendemain de la seconde guerre mondiale. Paradoxalement, c’est la constitution de deux blocs distincts qui met en évidence le besoin de regrouper ces pays aux intérêts communs. Comme la découverte du Nouveau Monde a mis en abîme la place de l’Europe dans le monde, la mise en place de l’OTAN en 45 et l’adhésion de la RFA à ce pacte le 2 mai 55 a véritablement été la pierre d’achoppement de la construction européenne. En réaction, les puissances  communistes signèrent le Pacte de Varsovie le 14 mai 55 ! L’OTAN, à cette époque, est créée pour permettre à ses signataires de conjuguer leurs forces politiques et militaires pour faire contrepoids à l’URSS. Le développement et l’entraide de ces pays, bénéficiant du Plan Marshall, furent prolifiques. La reconstruction se fit rapidement à l’Ouest tandis que les pays sous l’emprise communiste mirent plus de temps à développer une économie stable.
Ces coopérations économiques se traduisirent par la création de la CECA (communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1951 à Paris, à l’initiative de deux français, Jean Monnet et Robert Schumann. Cette mise en marché commune des productions d’acier et de charbon des pays de l’Ouest, dont la République fédérale d’Allemagne (RFA), est la première brique vers l’actuelle union européenne (UE). Elle possédait même un organe de contrôle avec 9 membres. En 1957, le Traité de Rome marque une nouvelle étape décisive dans la Construction européenne avec la CEE jusqu’au Traité de Maastricht de 92 qui instaure l’Union Européenne. Ces deux traités instituent une volonté des signataires d’« établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ». A Maastricht, en 1992, le Traité de Rome a été amendé, remanié et augmenté pour définir l’UE à travers trois piliers : les Communautés européennes ; la politique étrangère et
de sécurité commune (PESC) ; la coopération policière et judiciaire en matière pénale (la JAI, Justice et Affaires Intérieures). Le fonctionnement de l’UE est opaque. Je me propose de vous en expliquer tant bien que mal les rouages. L’UE a, comme l’Homme viril, trois organes principaux.


La Commission Européenne, la plus importante, a pour fonction principale de proposer et de mettre en œuvre les politiques communautaires et à veiller à leur application. Jouissant du monopole du droit d'initiative sur le premier pilier de l'Union européenne (les Communautés Européennes, voir quelques lignes au-dessus), elle joue un rôle central de garante de l’intérêt général. Vingt-sept commissaires (un par pays membres) la composent soutenus par 24 000 fonctionnaires. C’est assez, ce n’est pas trop. La Commission, à Bruxelles, est responsable devant le Parlement Européen, à Strasbourg. Ce Parlement Européen est le seul organe européen élu au suffrage direct. Y siègent dans la pourpre 756 députés européens élus tous les cinq ans depuis 1979 et représentant 392 millions d’électeurs. Il ne peut pas proposer de lois privilège réservé à la Commission. Il a le contrôle du budget européen!

Enfin, le Conseil Européen, dernier organe majeur de l’Europe, est rotatif. Tous les six mois, le président d’un des pays membre en prend la tête. Sa mission a été définie à Maastricht et consiste à donner à l’union les impulsions nécessaires et à en définir les orientations politiques générales. Il se réunit au minimum deux fois par an (à la fin de chaque présidence). Ces réunions ont pour but de définir les grands axes de la politique de l'Union (surtout en matière de politique étrangère). Le Conseil européen est également chargé de désigner tous les cinq ans le président de la Commission européenne.
Grâce à ces institutions, l’Europe prend forme même si le débat de la nature juridique de l’Europe n’a toujours pas été tranché, entre un fédéralisme pur, comme les USA, la Suisse ou l’Allemagne, et une posture intergouvernementale. Depuis le non (établissement d’une constitution pour l’Europe) de 2005, l’Europe doit trouver une nouvelle direction pour devenir enfin, après une idée, un sentiment et les prémisses d’une institution, un véritable ensemble gouverné avec efficience par un nombre réduit d’élus au pouvoir redéfinis et qui donne un sens plus concret à la citoyenneté européenne qu’ont tous les habitants des pays membre.

D.A. – CC15 « L’Europe» - Septembre & Octobre 2008

Sources:
Le Petit Mourre, édition Bordas

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