mercredi 26 janvier 2011

Un pays - L’Afrique du Sud

L’Histoire de l’Humanité, avec deux grands H comme dans Hétonnante, nous dépasse. Les raisons de notre présence sur Terre et l’éventuel but de la vie demeurent des énigmes pour nous, énigmes qui nous permettent de poser d’intelligentes questions et nous poussent à nous transcender certes, mais toujours est-il que nous ignorons les mécanismes qui nous ont crée et qui nous gouvernent. L’étude de l’Histoire est longue et fastidieuse mais il se trouve un pays qui concentre avec une étonnante densité toutes les traits de caractère de l’Homme : l’Afrique du Sud. Chaque épisode de sa tragique et sanglante histoire est une hyperbole de ce qui s’est passé à l’échelle mondiale ailleurs. Je vous recommande donc, si vous voulez de solides bases de vous pencher sur son histoire, qui recoupe celle de nombreux pays européens et ressemble pendant longtemps à celle du Brésil (cf CC12).

Comme vous le savez maintenant, les Portugais, aujourd’hui poilus et insignifiants, étaient la grande force coloniale et maritime des XVème et XVIème siècles. Ce sont eux qui les premiers tentent de rallier les Indes en contournant l’Afrique. Dans cette perspective, l’explorateur Bartholomé Dias pousse son navire jusqu’à l’extrême sud du continent en février 1488 et, réalise qu’il peut maintenant remonter le long de la côte, le plus dur est donc derrière lui, il décide que le Cap est « de bonne espérance ». Ce sera ensuite au tour du célébrissime Vasco de Gama de mouiller les eaux de ce pays en 1497 ; après avoir contourné le S. de l’Afrique, il accostera plus au N. au Mozambique, dont les côtes sont plus accueillantes. Ainsi, pendant tout le XVème, des énigmatiques étapes sont faites en Afrique du Sud, les Portugais concentrant leurs efforts sur la mise à sac et l’asservissement de l’empire Kongo.

Oui mais voilà, les échanges s’intensifient progressivement avec les Indes et le voyage dure de long mois au cours desquels les vivres manquent et le scorbut bute. Suite au naufrage d’un navire qui obligea les rescapés à vivre au pied de la Montagne du Cap pendant un an, l’idée de créer un point de ravitaillement pour le compte de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales semble pertinente. Le poste est crée en 1652 et quelques années plus tard, les salariés obtiennent de la puissante corporation leur indépendance pour devenir les premiers colons libres. Le commandeur de la ville, un néerlandais, développe la région en cédant des terres à ces salariés devenus colons fermiers, les Boers. En 1685, menacés par la révocation de l’Edit de Nantes, des centaines d’huguenots français s’exilent et viennent grossir les rangs des européens sur place, qui commencent déjà à faire venir des esclaves du proche Madagascar. Ainsi, la population blanche augmente et ce qui n’était qu’un comptoir de ravitaillement en eau et viande il y a encore cent ans, devient une véritable cité dont les aspirations pourraient rapidement devenir politiques. La taille de la ville est telle que les premiers conflits d’intérêts apparaissent bientôt et, en 1706, le gouverneur de l’île est poussé à la démission suite à la révolte des Boers contre son outrageante corruption. Sentant que la situation se dégrade, la Compagnie des Indes Orientales, dans un incroyable élan voué à l’échec, ordonne la cessation de l’immigration européenne, fixe les prix et les quotas de production et impose un contrôle totale des activités afin de rediriger la colonie vers son but originelle : n’être qu’une escale de ravitaillement. Bien évidemment, des groupes de néerlandais aux convictions plus capitalistes s’enfuient hors de la juridiction et vont s’établir plus loin. Ce seront les Trekboers, fermiers nomades. Avec ce développement concomitant, le territoire devient rapidement trop petit et les européens se frottent pudiquement à la peau féroce des tribus Khoikhoi et Xhosas locales. Deux épidémies de variole au début du XVIIIème et les premières guerres entre Boers et Xhosas dans la deuxième moitié du siècle ont raison de ces tribus.

La faillite de la Compagnies des Indes Orientales en 1798 permet à l’empire britannique de s’inviter dans la partie. Ceux-ci occupent rapidement la colonie pour qu’elle ne se retrouve pas aux mains des Français, qui venaient de faire chuter les Pays-Bas. Les missions anglicanes partent allégrement convertir les tribus hottentotes locales et militent pour leurs droits. Les tensions se cristallisent entre les Boers, confinés dans leur rôle de fermiers, les Anglais, qui s’accaparent les postes de pouvoir, et les tribus avoisinantes. L’abolition de l’esclavage en Angleterre en 1833 entraîne des coûts de main d’œuvre importants pour les Boers et les contrarie dans leur conception divine d’hiérarchie des races ; ce qui les pousse à quitter la colonie et à partir à l’intérieur des terres. De nombreux espaces étant inhabités suite aux nettoyages ethniques auxquels s’est livré Shaka, chef des Zoulous, les fermiers néerlandais, appelés maintenant Afrikaners, sont obligés de monter plus haut au N. et de traverser les fleuves Orange et Vaal. Les Xhosas disparaissant progressivement, leurs terres sont redistribués à plus de 6 000 immigrants allemands. On commence à entrevoir la mosaïque culturelle de l’Afrique du Sud.

De ces mouvements de fuite et de conquêtes de régions inexplorées naissent deux républiques : la république Sud-africaine du TransVaal (1852) et l’Etat libre d’Orange (1854). Avec le Natal, région où Vasco de Gama avait posé le pied le jour de la Natalité et annexée en 1840 par les Britanniques, ce sont les trois entités de l’Afrique du Sud de l’époque. Cette dernière connaît avec les Zoulous de nombreux esclandres qui deviennent vite une guerre ouverte. Après quelques revers, les Anglais écrasent finalement leurs adversaires en 1879. Parmi les soldats français qui participaient à l’effort de guerre contre les Zoulous, on distinguera le fils de Napoléon III qui eut l’exotisme d’y mourir à vingt-trois ans.

Tandis que l’Orange s’organise rapidement et installe l’intégration des noirs dans la vie civique, le Transvaal a beaucoup plus de mal à s’établir. La découverte de la plus grande mine d’or du monde en 1886 au Transvaal, déjà dépositaire de fortes réserves d’or et de diamants, sonne le glas des rêves de la jeune république Boers. Les Britanniques tentent alors d’annexer leur voisin pendant les années 1870 mais leur rendent finalement leur indépendance en 1883 au terme d’une guerre sans merci. Toutefois, grâce aux conquêtes des Etats voisins, sous la houlette de Ceci Rhodes, premier ministre de la colonie du Cap, les Anglais encerclent bientôt géographiquement le Transvaal, véritablement partagé entre les Boers traditionalistes et puritains et les émigrés, souvent anglais, assoiffés d’or menant une vie de débauche. Par ailleurs, le Président du Transvaal refuse de donner des droits civiques aux anglais vivant dans son pays comme le réclame la colonie du Cap car il sait que cela pourrait renverser l’échiquier politique, terrain cher aux anglais. Les tensions se transforment vite en guerre et, le 12 Octobre 1899, les anglais sont priés d’évacuer le pays en 48 heures.
La résistance des Afrikaners du Transvaal se fait bientôt par la guérilla car l’armée n’a pas pesé lourd face aux anglais. Des camps de concentration sont mis en place par les forces britanniques pour regrouper les néerlandais dans des conditions assez insalubres. Une paix est finalement conclue en 1902 qui subordonne le Transvaal impuissant aux anglais détestés par l’opinion public. Les néerlandais rescapés du Transvaal, les Afrikaners, tiendront longtemps rancune contre tous les anglais.


Les quatre Etats (l’Orange et le Transvaal, tous deux Boers, et le Natal et la Colonie du Cap, anglais) deviennent les quatre provinces de l’Afrique du Sud en 1910. Ceci permettant aux afrikaners de participer à la vie politique et d’ainsi apaiser les tensions. Oui mais voilà, l’Afrikaner se sent menacé. Blanc en pays noir, se sentant noir parmi les blancs, symbolisés par les anglais, l’Afrikaner s’accapare le pouvoir et introduit progressivement le concept de privilèges d’un type ethnique, le sien, sur les autres. Durant les difficiles années 30, un parti d’union national émerge avec quelques idées empruntées à l’Allemagne d’alors. Après la guerre, aux élections de 48, c’est le partie de Malan qui est élu et constitue un gouvernement purement afrikaner et applique sa doctrine de séparation ethnique : l’apartheid. Progressivement, les lois (Color Act par exemple) relèguent les noirs en banlieues et leur interdisent les libertés essentielles. Le parti se succède à lui-même au fil des élections pendant des dizaines d’années, du jamais vu. Des mouvements de revendications des droits des noirs se mettent en place dans les années 60 avec entre autre Nelson Mandela. Par référendum ensuite, la scission avec le Commonwealth est adoptée et la République d’Afrique du Sud est proclamée en 61. Le parti afrikaner domine toujours autant le paysage politique et malgré la sanglante répression de Soweto où des milliers d’étudiants sont dispersés à coups de carabines, le parti obtient son plus large score aux élections de 77. Schisme sur schisme, le parti se divise jusqu’à l’élection de Pieter Gotha à la présidence. Il fera tomber progressivement les lois ségrégationnistes en conservant un soutien à droite. Véritable artisan de l’abandon de l’apartheid, il fait raser les townships, ghettos de noirs, et autorise les mariages mixtes entre autre. Son successeur, De Klerk, achève le travail en 94 et le prisonnier libéré Mandela, devient le premier président noir de la RSA avec De Klerk comme premier ministre.

Depuis le pays a connu un très grand développement économique mais porte toujours les stigmates de son déchirement passé, qui se traduit encore par le terrifiant taux de criminalité de certaines villes et l’exploitation hasardeuse des mines de diamants.

D.A. – CC13 « La Jeunesse» – Juin 2008

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