mardi 25 janvier 2011

Un pays - La Suisse

Nous sommes en 2008 après Jésus-Christ. Toute l’Europe a adhéré à l’Union Européenne... Toute ? Non ! Une petite confédération d'irréductibles Suisses résiste encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile pour les pays retranchés voisins de Francium, Italium, Autrichium et Germanium... Comment diable la Suisse est-elle parvenue à acquérir ce statut si spécial de neutralité totale au beau milieu de pays qui se font la guerre continuellement depuis que le Teuton a franchi le Rhin ? Sa position centrale aurait pu lui conférer un plus funeste sort dont seules les montagnes et les rivières qui la délimitent l’ont su préserver. Les Suisses, en dépit de la lenteur qu’on leur prête volontiers, ont été de féroces guerriers à la diplomatie fine et à l’ouverture d’esprit salutaire. C’est une disposition séculaire qui conduit aujourd’hui les suisses à être les dépositaires légitimes de l’invention du secret bancaire et de la confidentialité controversée. Le Liechtenstein a suivi le mouvement.

En 58 av. JC, de vagues troupes d’hommes couverts de fourrures, les Helvètes, venus du S. O. de l’Allemagne, se rendirent en Gaulle avec des intentions très gauloises concernant les concubines autochtones César, les bouta, allant même jusqu’à les éradiquer aux deux tiers avant de les renvoyer par delà leurs montagnes. Deux peuples se distinguèrent alors vers le Vème siècle : les Burgondes et les Alamans. Les premiers ont aimé le Christ et se sont vite mêlés aux romains ; les seconds, plus germains, sont restés dans la montagne où ils continuèrent de tourner le dos au plus célèbre des crucifiés. Leur séparation physique d’alors est à peu près celle qui distingue aujourd’hui la Suisse romande de la Suisse alémanique.

Le missionnaire irlandais Colomban vint fonder, pendant sa campagne de prosélytisme en 750, l’université de Saint-Gall qui a eu un rayonnement dans toute l’Europe. Intégré au royaume franc, le pays suisse fut partagé lors du démembrement de l’empire de Charlemagne à la fin du IXème. En 888, jackpot, elle passa même sous la coupe du nouveau Royaume de Bourgogne avant d’intégrer le Saint Empire et la mouvance germanique. Villes commerciales et sesterces à la pelle pour les premiers commerçants de Bâle ou Zurich. Et pendant que les marchands prospérèrent, l’ennemi se renforçait. Ici, comme d’ailleurs en France ou dans plusieurs pays d’Europe, l’ennemi a un nom : Habsbourg. Sans z et avec un h. Les trois principales landes leur étaient soumis tout en demeurant des petites communautés autonomes mais, profitant de leur influence grandissante au XIème et XIIème siècle, ils renforcèrent la pression. Ces petites communautés, Uri, Schwyz et Unterwald se réfugièrent donc chez les rivaux Hohenstaufen dans la première moitié du XIIIème.

La chute des Hohenstaufen et le renforcement des Habsbourg qui se traduisit par l’inquiétante annexion de l’Autriche dans une anschluss médiévale laissèrent cois les trois. Les émancipations italiennes d’alors et les mouvements guelfes ou gibelins inspirèrent ces landes : la résistance face à l’envahisseur autrichien personnifiée, et sans doute romancée, dans l’histoire de Guillaume Tell contribua à fédérer ces trois landes. Ceci les conduisit le 1er Août  1291 à se jurer entraide totale en cas d’attaque et arbitrage par les juges locaux des conflits éventuels. Bref, un certain repli sur soi mais quel acte fondateur ! Le 1er Août est tout de même encore la fête nationale là-bas.

Mais les paix n’éclipsent jamais très longtemps l’avidité des hommes. En 1314, les Schwyzois allèrent piller une riche abbaye autrichienne. Les Habsbourg n’en demandaient pas plus pour aller leur régler leur compte et reprendre une terre qu’ils considéraient comme leur appartenant. Mais, et nous verrons que cela se reproduit souvent dans l’histoire de la Suisse, les membres de la petite alliance humilièrent la grande armée autrichienne dans les voies mystérieuses du Saint Gothard. Les trois confédérés, eindgenossen en allemand, qui donnera huguenots, étendent leur réseau d’alliance avec promptitude pour fortifier leur position. De trois, ils passèrent à huit. Les Habsbourg sentant leur glisser entre les doigts cette province de montagnards, vinrent par deux fois écraser ces embryons de nations. Mais par deux fois, en 1386 à la bataille de Sempach et en 1388 à Näfaels, les suisses, moins expérimentés et inférieurs en nombres firent plier l’armée allemande. Bien que demeurant sujets du Saint Empire Germanique, les huit cantons suisses sont indépendants en 1393.

Trouvant une ressource inespérée dans ses nouveaux voisins, Louis XI s’allia aux confédérés pour aller vaincre Charles Le Téméraire à Nancy en 1477. Décisifs dans l’issue de la guerre, les Suisses furent seulement rétribués d’un petit duché. Les tensions s’accroissent car en ces temps, le Suisses guerroie et a le sang chaud. L’unité a su prévaloir grâce à l’intervention de l’ermite Nicolas de Flue en 1481. Intelligente société que celle qui donne la parole aux ermites…

L’indépendance totale fut obtenue dans la continuité. L’empereur Maximilien instaura de nouveaux impôts que les suisses, toujours sous la tutelle du Saint Empire, refusèrent de payer. Le différend se régla sur le champ de bataille lors de la guerre des Souabes à la toute fin du XVème siècle et c’est alors que s’émancipa la Suisse. Les huit cantons en profitent pour passer à treize avec Bâle et Schaffouse entre autres additions.

Véritable arbitre des conflits par leur puissance militaire, ils s’allièrent à la France avant de se retourner contre elle au cours des guerres d’Italie. La France voulait faire valoir ses droits sur Naples et Milan. Après avoir chassé Louis XII d’Italie et placé les Sforza à Milan, ils subirent les foudres de son successeur, l’athlétique François Premier qui, à Marignan, met tout le monde d’accord et fait signer aux Suisses un pacte de paix éternelle.

La réforme frappe ensuite de plein fouet ce petit pays, qui deviendra le siège du protestantisme. La Diète Fédérale, instance de représentation des treize cantons, se retrouve alors divisée en sept cantons catholiques, deux mixtes et quatre réformés, moins nombreux mais plus peuplés. La partie alémanique sera moins sujette aux soubresauts protestants car la contre-réforme la frappa très tôt, ce qui explique la partition actuelle. Partagée, mais non déchirée, par ces querelles religieuse, la Suisse décide de rester neutre pendant la guerre de trente ans qui ruinera l’Allemagne de manière tout à fait durable.

Devenue le refuge des huguenots français, la Suisse prospère et développe son agriculture pendant les deux siècles suivants. Jusqu’à la révolution française qui fera des émules. De nombreuses révoltes et proclamations d’indépendance éphémères agitèrent le pays à tel point que Paris du intervenir et proclamer la république helvétique. En 1802, l’influence française augmente encore puisque Napoléon leur impose une nouvelle constitution qui calme les tensions entre les différents cantons. Il annexera au passage le Valais, Neuchâtel et Genève. Chaque canton possède alors sa constitution et ses péages. C’est la Diète fédérale qui gère l’armée et le franc.

Consacrée au Congrès de Vienne de 1815, la neutralité perpétuelle de la Suisse est reconnue par tous. Consolidant le pays, il y a bien quelques heurts encore une fois inspirés par la révolution française de 1830. Bâle fait scission et oblige la création de Bâle-Ville et Bâle-Campagne. Si, si, je vous assure. En 1845, le rappel des jésuites à Lucerne scandalise. De vagues réminiscences des guerres de religion quelques siècles plus tôt transparaissent et les sept cantons catholiques, Uri, Lucerne, Schwyz, Unterwald, Valais, Fribourg et Varis concluent un pacte secret. Sauf que lorsque celui-ci éclate au grand jour, la guerre civile s’impose. La défaite des catholiques permet de rédiger une nouvelle constitution en 1848, constitution qui, à part un ou deux remaniements, est encore celle utilisée aujourd’hui.

La suite n’est qu’une longue étape de consolidation administrative, centralisation de la fabrication des billets de banque et développement des chemins de fer. La Suisse maintient une économie forte notamment grâce à la manufacture de produits très pointus dont les chinois n’arriveront jamais à les déposséder (l’horlogerie par exemple). De beaux jours en perspective.

D.A. – CC16 « Le Secret » - Novembre & Décembre 2008

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