Quand on change sa veste en fonction de la mode, on est toujours dans le coup !
La France, notre beau pays réputé pour sa finesse et son style, a été, tout au long de son histoire, le berceau d’idées et d’hommes qui ont acquis une notoriété éternelle. Il est donc tout à fait difficile de choisir un personnage représentatif de ce pays tant il a connut de périodes historiques diverses. On pourrait très aisément commenter la vie d’un Clovis, d’un Louis XIV, d’un Napoléon ou d’un Charles de Gaulle, eux qui ont fait basculer la destinée des français maintes fois. Cependant, cela ne serait que trop rébarbatif et votre lecture en pâtirait.
J’ai donc choisi de vous présenter un illustre homme qui n’a pas moins démérité à sa contribution patriotique, seulement dans les coulisses où se cachent des ombres parfois troubles. Cet apôtre de la stabilité et du statuquo, ce pape de la diplomatie, ce prince de la magouille, ce caméléon de la politique, surnommé à juste titre, « le diable boiteux », je le nomme bien, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.
Talleyrand provient d’une famille aristocrate renommée même si il est issu d’une branche cadette peu argentée. Il nait en 1754 à Paris en qualité d’ainé, droit qui lui est retiré et remit à son cadet après que l’on se soit rendu-compte de ses pieds bots. Il est donc destiné, par sa famille, à épouser la carrière ecclésiastique plutôt que militaire sous le patronage de son oncle cardinal et archevêque de Reims. Dès son plus jeune âge, il est mis en nourrice pendant quatre ans puis placé chez son arrière grand-mère au château de Chalais, en Charente. Entre 1762 et 1769, il rentre au collège d’Harcourt puis se laisse convaincre par son oncle d’entrer au séminaire de Saint-Sulpice ou il se forme pendant cinq ans. En 1775, il est ordonné sous-diacre de l’église Saint-Nicolas-du –Chardonnet puis devient abbé commendataire de l’abbaye Saint Denis de Reims avant de passer les trois années suivantes à préparer une thèse en théologie à la Sorbonne.
Malgré sa mondanité et sa vie libertine avec de jolies femmes de bonnes familles, il est ordonné prêtre en 1779 avec le soutien de son oncle. Profitant encore des soutiens familiaux, il devient, en 1780, agent général du clergé de France où il s’initie aux finances de l’Eglise.
Sa vie très mondaine, lui permet de goûter aux joies du networking qui l’immiscent peu à peu en politique, notamment au contact de Mirabeau ou encore du ministre Calonne. Il se met en quête d’un évêché mais est quelque peu retardé par ses inimitiés qui lui reprochent son goût du jeu, du luxe et des maîtresses (il aura un enfant en 1785 avec la comtesse Flahaut). Finalement, il échoue à Autun en 1788. Pas pour longtemps, car il est élu député du clergé aux Etats Généraux de 1789.
A la veille de la révolution, il prend cause pour le Tiers-Etat et intègre l’Assemblée Constituante pour laquelle il rédigera notamment la déclaration des droits de l’homme. Il profite de sa position pour conseiller la saisit des biens de l’Eglise pour renflouer les caisses de l’Etat. Il s’aliène alors une partie du clergé mais est élu président de l’Assemblée nationale en 1790. En tant qu’évêque d’Autun, plus pour longtemps, il célèbre (une fois n’est pas coutume) la messe de la fête la fédération le 14 juillet 1990 au Champ de Mars. Il démissionne, peu de temps après, de sa charge après avoir sacré des évêques constitutionnels, ce qui lui vaut l’excommunication par Pie VI.
Mais dès 1792, il est envoyé à Londres en mission diplomatique pour s’assurer de la neutralité d’Angleterre face aux remous français et à la guerre.
Remous et guerre qui poussent Talleyrand (en anticipant la Terreur) à redemander difficilement son départ pour l’Angleterre en mission. Peu de temps après on découvrait des lettres lui appartenant dans l’armoire de fer de Louis XVI ce qui officialise son statut d’immigré (ainsi que Mirabeau). En 1794, il est expulsé d’Angleterre et part spéculer aux Etats-Unis. Il en revient en 1996, une fois réhabilité grâce à ses soutiens (Madame de Staël), tandis que Barras lui offre le portefeuille des affaires étrangères.
Pendant le Directoire, il balance entre diplomatie et enrichissement personnel, notamment avec la vente de la Louisiane aux américains. Toujours dans un souci d’appui politique, il se rapproche de Bonaparte. Accusé de malversations, il doit démissionner en 1999 mais il sait qu’il retrouvera son poste une fois le coup d’Etat du général Bonaparte réalisé.
A partir de là, il travail en accord avec Napoléon pour stabiliser l’Europe avec des traités comme ceux de Lunéville et d’Amiens. En 1802, il se marie avec sa maîtresse, Catherine-Noël Worlée dite « la belle madame Grant » afin de normaliser sa situation. En 1803, sous l’instigation de Napoléon, il achète l’énorme propriété du château de Valençay afin de pouvoir « recevoir ses hôtes avec dignité ».
Il serait aussi derrière l’assassinat du Duc d’Enghien soufflé à l’oreille de Napoléon afin de décourager les royalistes.
En 1805, il est présent au sacre de Napoléon et continue à le servir avec zèle. Malgré tout, durant les grandes victoires napoléoniennes, il essaye de ménager ses adversaires lors des signatures de traités car il est partisan de la paix et du commerce plus que de la guerre à outrance. Il commence alors à diverger de la politique napoléonienne et démissionne de son poste en 1807 pour être nommé Vice Grand Electeur. En 1808, il est chargé voire ordonné de recevoir les infants d’Espagne comme « prisonniers » au château de Valençay qu’Il gardera comme « hôtes » jusqu’en 1814. Cependant, Talleyrand continue de négocier et fomenter des plans d’alliances politiques en parcourant l’Europe et recevant dans ses salons. Ses relations avec Bonaparte sont au plus bas lorsqu’on apprend qu’il intrigue pour la succession de l’Empire. Malgré beaucoup de craintes, Napoléon conserve Talleyrand dans son cercle car on approche de la chute impériale. Manigançant avec perfection c’est encore Talleyrand qui se trouve élu président du gouvernement provisoire et qui reçoit chez lui le roi de Prusse et le Tsar de Russie, lors de l’entrée dans Paris des troupes étrangères, en 1814. Il parvient à convaincre ses interlocuteurs du juste-fondé du retour des Bourbons en France ce qui lui vaut d’être nommé pince de Bénévent et ministre des affaires étrangères par Louis XVII. En 1815, il est reçu à Vienne pour se voir communiquer la décision des alliés lors du Congrès. Il navigue aisément pour diviser les alliés et limiter leurs exigences. Il est quand même poussé à la démission car il refuse de signer le nouveau traité conséquent à la défaite de Waterloo. Il prend malgré tout le titre de Grand Chambellan et reste membre de la chambre de pairs mais reste écarté du pouvoir, spécialement avec l’avènement des « ultras » et de Charles X qui lui sont hostiles.
Fortuitement pour ce bon vieux Charles-Maurice, son soutien à Louis Philippe d’Orléans lors de la révolution de 1830 lui permet d’être nommé ambassadeur extraordinaire à Londres, toujours pour s’assurer de la neutralité anglaise. Il rassure les cours européennes sur la situation en France ainsi qu’en Belgique où une révolution d’inspiration française déchire le pays. Il participe activement à l’indépendance de la Belgique sur les Pays-Bas et encourage un soutien militaire de sa neutralité perpétuelle. Sa présence en Angleterre lui permet de travailler sur les relations franco-britanniques qui seront la base de l’Entente Cordiale.
Même si Talleyrand garde la grande estime du roi et son oreille, il n’en est pas moins décrié par l’opinion générale qui le considère politicien versatile et un traître.
Sa ténacité politique n’étant plus aussi farouche que d’antan, il décide de démissionner en 1834 et de retourner dans sa résidence de Valençay. En 1838, sa santé se détériore et le temps est venu pour Talleyrand d’entreprendre sa dernière négociation. En effet, aux confins de son crépuscule, il signe une rétraction de ses fautes pour le pape Grégoire XVI afin de pouvoir recevoir l’extrême-onction. Il s’éteint à l’âge de 84 ans mais a du certainement continuer sa carrière d’habile négociateur en Enfer.
Talleyrand aura eu une longévité politique étonnante malgré les nombreuses instabilités. Il a habilement défendu les intérêts de la France (et les siens, le bougre !) durant les neuf régimes qui régentèrent le pays entre 1789 et 1838. Il avait enfin, malgré tout ses défauts, un réel sens de la diplomatie et une vision politique d’inspiration européenne.
J.S – CC19 – Mai & Juin 2009
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