Le plus français des suédois
La Suède a fourni de nombreux hommes d’exception au long de son histoire : des hommes de paix tels que Folke Bernadotte ou Dag Hammarskjöld, des femmes d’arts telles Ingrid Bergman ou Greta Garbo, ou encore des hommes d’esprits et d’affaires comme Alfred Nobel ou Ingvar Kamprad (Ikea). Mais l’homme qui, à mon sens, a marqué à tout jamais de son empreinte le royaume de Suède n’est autre qu’un Maréchal Français, un certain Jean Baptiste Jules Bernadotte.
Né en 1763 à Pau, Jean Baptiste Jules Bernadotte reçoit une belle éducation auprès de son père, un avocat. Il s’engage comme soldat, en 1980, dans le régiment de Brassac de l’armée royale. En 1789, quand la révolution éclate, il commence sa carrière d’officier avec le grade de sergent. Durant la guerre contre l’Autriche, il se distingue aux armées du Rhin et de Sambre-et-Meuse. En 1794, sur le champ de bataille, le général Kléber le nomme général de brigade. Il est encore promu, quelques mois plus tard, au grade de général de division. Il construit sa réputation sur de nombreuses victoires telles que Fleurus, Juliers, Lahn, Altdorf, Neumark, ou le blocus de Mayence.
Bernadotte quitte alors l’armée du Rhin pour rejoindre Napoléon en Italie. Il va seconder Bonaparte avec beaucoup de dynamisme malgré le fait qu’il n’éprouve pas une grandissime sympathie envers celui-ci. Il remportera encore des faits d’armes tels Tagliamento, Trieste, Laybach et bien d’autres. Il présentera même les drapeaux capturés à l’ennemi devant le directoire. Face au dégoût qu’il éprouve pour la violence, il refuse le commandement de Marseille (région trop turbulentes) et rentre en Italie. Quand le traité de Campoformio est signé, il est désigné comme ambassadeur à Vienne en 1798 (février à Avril). Mais les émeutes anti-françaises, dues à la levée du drapeau tricolore sur l’hôtel de l’ambassade, et le refus de payer des réparations à la France le forcent à rentrer à Paris. Il y recevra la charge de ministre de la guerre en 1799 (juillet à septembre). Durant cette charge, il réorganise les services qui étaient en piteux états et essaye de raviver la fougue de l’armée française. Malheureusement, il démissionne juste avant le coup du 18 brumaire (coup contre lequel il est contre) à cause de certaines intrigues notamment dues à Sieyès. A cette heure, c’est un des meilleurs généraux de la république et un rival de Bonaparte.
Même si sa relation avec Bonaparte n’est plus aussi cordiale qu’avant, il est cependant, en 1800, promu au conseil d’état et devient commandant de l’armée de l’ouest (en Vendée). Il en sera, d’ailleurs, destitué par la conspiration dite des « pots de beurre » montée par le général Simon. Ces affectations étaient sans doute dues au fait qu’il ait épousé Désirée Clary, ex fiancée de Napoléon et belle sœur de Joseph Bonaparte (frère aîné de Napoléon).
Il est, par la suite nommé ambassadeur des Etats-Unis (à la paix de Luneville) mais ne peux rejoindre son poste à cause de la reprise des hostilités en Europe. En 1804, il est envoyé à Hanovre et obtient le bâton de maréchal. Il remporte quelques faits d’armes mais reste discret dans les grandes batailles, dont Austerlitz. En 1806, il est fait prince de Ponte-Corvo. Durant la double bataille Auerstaedt-Iena, il reste plutôt inactif ce qui fera fulminer l’Empereur mais il se rachète en poursuivant les prussiens, s’emparant de Lübeck et capturant le général prussien, Gebhard Von Blücher. Il traite les prisonniers, surtout les officiers de la division suédoise, avec respect et politesse. Cela rapprochera le France et la Suède dans la lutte contre un ennemie commun : la Russie.
Il marche ensuite vers la Pologne et défait les russes à plusieurs reprises mais il est grièvement blessé lors d’une escarmouche et ne prend donc pas part à la bataille de Friedland. C’est d’ailleurs contre la Russie qu’il montre toute sa maîtrise du commandement.
Une fois rétabli, il devient gouverneur des villes hanséatiques (Europe du Nord) et part en campagne contre la Suède sous les ordres de Napoléon. Une révolution éclatant en Suède contre le roi Gustave IV, Bernadotte arrête de guerroyer, malgré le mécontentement de Napoléon, et gagne l’estime du peuple suédois.
En 1809, après la paix de Tilsitt, il prend le commandement de l’armée d’occupation d’Allemagne du Nord. Quand la guerre contre l’Autriche reprend, il prend la tête du corps des saxons et se bat avec brio à Wagram. Napoléon considère que Bernadotte n’a pas fait ce qu’on attendait de lui et l’évince de commandements militaires. En 1809, il est chargé de repousser les anglais qui ont débarqué à Walcheren, ce qu’il fait brillamment mais ne récupère toujours pas son commandement.
Jean-Baptiste Bernadotte est alors en pleine disgrâce quand il reçoit l’offre surréelle du trône de Suède. Le 21 Août 1810, il est adopté par le roi Charles XIII qui n’avait pas de descendance. Jouissant d’une forte image auprès des suédois, il est donc élu par les états généraux d’Orebro comme prince héréditaire. Il doit cependant abjurée la religion catholique pour la religion protestante ce à quoi il répond favorablement. Du côté de Napoléon, il est ravi, pensant tenir un allier solide au nord de l’Europe. Le désormais Charles-Jean (prénom royal de Bernadotte) seconde ainsi son père adoptif dans la gestion du royaume et prend même les reines du royaume quand son père tombe malade en 1811. Il ouvre les ports de Suède au commerce et projette de reprendre la Finlande aux russes. Mais l’irruption des troupes françaises en Suède l’irrite et préférant son royaume à l’Empire, il cesse d’apporter son support à Napoléon et rentre même dans la coalition contre la France en 1813. Il essaye quand même, par loyauté, de prévenir l’empereur des dangers qu’il encourt. Il prend alors la tête de l’armée du nord de l’Allemagne, défait le maréchal Oudinot puis Ney et prend aussi part à la bataille de Leipzig. Il démontre encore une fois tout son savoir faire et sa bonne connaissance des tactiques napoléoniennes. En 1814, descendant vers la France, il force le roi du Danemark à signer la paix de Kiel et reçoit le royaume de Norvège. Il essaye encore de ramener Napoléon à la raison et de signer la paix mais rien n’y fait. La restauration et le congrès de Vienne rend la couronne de France aux Bourbons (Bernadotte était pourtant un prétendant sérieux au trône de France) et cède officiellement le royaume de Norvège (alors danois) à la Suède.
Par la suite, Bernadotte refusera de rentrer dans la seconde coalition en 1815. le 5 février 1818, cet ex-maréchal devient officiellement Karl XIV Johan (Charles-Jean XIV) souverain de Suède et Karl III Johan souverain de Norvège. Il consacre son règne à cimenter l’union des deux royaumes et de les faire prospérer. Il développe ainsi l’agriculture, l’industrie, le commerce, et l’instruction publique.
Tel Guillaume le conquérant, il imposa le français à la cour et à l’administration, se refusant à apprendre les langues scandinaves. Il est à noté qu’il refusa à tout médecins de l’examiner torse nu de son vivant. A sa mort, à Stockholm en 1844, on aurait découvert un tatouage sur le torse de cet ex-soldat de la république avec pour inscription « Mort aux rois !» (ou « Mort aux tyrans ! »). Ses héritiers règnent toujours en Suède mais aussi au Luxembourg, au Danemark et en Belgique.
J.S. – CC 9 "L'Amour" – Février 2008
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