J’atterris à l’aéroport de Libreville, en survolant le splendide estuaire bordant la ville. Je suis chanceux, le taxi est bavard, très bavard, mais surtout très cultivé, j’apprends presque tout, une bonne entrée en matière. Le taux de fécondité (3,7 enfants/femme), de mortalité infantile (53,64 décès/1.000 naissances), de SIDA (4%) et l’espérance de vie (65 ans) me rappel que je suis bien en Afrique. Tout comme la Guinée Equatoriale, la population du Gabon tourne autour du million ce qui n’est donc pas une menace d’immigration pour l’Europe. Ainsi Libreville reste une ville de taille raisonnable, agréable à vivre avec son bord de mer et sa promenade des anglais, mais surtout grâce à sa diversité ethnique : Vili, Mpongwé, Punu, mais surtout Fang, l’ethnie majoritaire. D’ailleurs ce n’est rien d’autre qu’un Fang qui a fondé le pays en 1960, lors de l’indépendance avec la France : Mr Leon M’Ba président jusqu’en 68. Son successeur, Omar Bongo, toujours au pouvoir, soit 40 ans de « stabilité, paix, unité et progrès » slogan de son Parti Démocratique que j’entends résonner à la radio du taxi puisque je suis arrivé le jour de la cérémonie d’anniversaire. L’avenue principale est donc bouchée il nous faut faire un détour par le centre ville. J’aperçois la demeure du président, luisante de dorure, les immeubles de la grande construction du pays durant les années 80 (découverte du premier bassin pétrolier en 1970) avec ses ministères grandioses surtout celui des eaux et forêts, et l’imposant siège de la Banque des Etats d’Afrique Centrale. Je comprends aisément que Libreville ait longtemps été la capitale économique de la région, et que cette capitale gabonaise ait une histoire moderne comparable aux villes Européennes. Voici donc un résumé politique unique au monde et un modèle Africain. D’autant plus que le trône est gardé jalousement par un modèle de la démocratie et de l’éthique, issu d’une ethnie minoritaire et ayant embrassé la religion musulmane minoritaire dans le pays à majorité chrétienne, Mr BONGO. Ce qui peu d’ailleurs expliquer le peu de querelle ethnique et donc nationale à sa légitimité de pouvoir si long, puisque hors des revendications majoritaires.
J’arrive en face d’un des quelques hypermarchés de la ville, je réalise que, en contre partie des 60% d’exportation vers la France de pétrole et de bois, les 60% d’importations concernent le reste et en particulier les 80% de dépendances alimentaires, mais cette influence française, bien que pesante, me rassure sur l’hygiène alimentaire du pays. Mais l’influence française ne s’arrête pas là, autre que l’aspect culinaire que je déguste en début de soirée (crêperie, pâtisserie, croissanterie…), le système social, de santé et éducatif est quasi-similaire, ce qui est plutôt un bon point dans la région. A la grandeur du Centre Culturel Français de Libreville et du siège du géant pétrolier de la tour Acropole de la Défonce, je comprends que la France a été longuement présente ici, et pour encore longtemps. La culture est omniprésente, mais le plus frappant reste le rap gabonais (faisant partit du cercle très fermé du Hip Hop francophone africain avec le Hip et Hop sénégalais et togolais) cette musique revendicative de la jeunesse critiquant l’ordre des choses en place qui me permets de balancer avec ma vision presque idyllique de Libreville. Les thèmes abordés sont les mêmes qu’en France, sauf qu’ils ont beaucoup plus de sens ici lorsque l’on connaît la véritable face cachée de l’Afrique : pauvreté générale, inégalité des chances par rapport aux privilégiés dans le monde du travail (économie essentiellement basé sur un seul secteur : le pétrolier réservé à l’élite du pays trop souvent amis proche de la présidence, perspective d’échanges commerciaux internes limités dû à la faiblesse démographique, secteur touristique contrôlé par les expatriés …), mais aussi la place de la femme soumise dans la société dominée par l’homme, la présence trop importante de la France et autres néo-colonialistes, le milieu politique inchangeable et statique… Les sujets ne manquent pas, je l’ai bien compris et font paraître les problèmes des cités européennes comme réellement illusoires et pathétiques comparés aux véritables problèmes que subissent les habitants de LBV et des villes du continent oublié en général. J’ai l’occasion d’apprécier tout cela lors d’un concert de Hop & Hip dans l’une des nombreuses boites de nuit ou centre de dévergondage de la montée Luis. Autre déferlante urbaine franco-française, la tecktonik, je reçois d’ailleurs une gifle involontaire d’un de ses adeptes sectaires, sans commentaires.
J’allais oublier, avant de pénétrer dans la folle nuit Librevilloise, je suis entré dans le quartier générale de « Africa n°1 » la radio gabonaise internationale qui émettait dans le taxi, et j’ai réalisé, après avoir suivi l’émission des Jeunes Volontaire Francophone (JVF) que ce pouvoir immuable empêche l’initiative populaire provenant des collectivités et donc limite la pro activité personnelle pour l’amélioration du pays. Le présentateur m’a raconté que finalement, le bon compromis pour la durée du pouvoir exécutif est pas trop long (limite l’initiative collective à cause d’un pouvoir immuable mais permet le suivi de plan à long terme tel ceux de l’environnement, l’éducation, l’urbanisme social) pas trop court (empêche la pérennité de long projet mais favorise le renouveau et la motivation collective). Finalement, une sorte de super comité éthique élu pour 15-30 ans permettrait de suivre de manière constante sans grand changement des projets profonds et serait au dessus d’un président élu pour 3-7 ans chargé de résoudre les problèmes plus éphémères. Je salue donc le président de l’association J.F.V. du Gabon et me voici devant le microphone, invité par ce même présentateur, c’est mon tour de parole. La grande question tant appréhendée arrive : Selon vous comment mettre en place le développement durable dans notre société mondialisé, néo libérale, et capitaliste ? Ma réponse est hésitante, mais je me lance. Elle se base sur 5 points.
La politique : réglementation internationale imposant la normalisation environnementale aux niveaux de l’ensemble des secteurs (industrie, agriculture, et commerce) pour l’ensemble des échanges mondiaux de biens et services avec la mise en place d’une labellisation internationale des produits soutenables et équitable.
L’économie : cette politique peut se réaliser rationnellement uniquement grâce à la mise en place d’une taxe environnementale à chaque étape de l’élaboration, la création, le transport, et la vente d’un produit, prenant en compte entre autres, la consommation en eau, en énergie, en matière première non renouvelable, et la pollution occasionnée.
La démographie : Revenir à la population mondiale de 1970 de 3 milliards d’individus, époque à laquelle l’empreinte écologique de l’humanité ne surpassait pas la capacité d’absorption de notre fragile planète verte, diminuant ainsi le stress sur l’eau, l’énergie, les dentées alimentaires, et les forêts primaires.
L’éducation : C’est en éduquant les 3 prochaines, peut-être ultimes et dernières, générations à venir que nous pourront changer les habitudes sur-consommatrices, individualistes et irrespectueuses de la nature de notre société, mais aussi en essayant de transformer la génération actuelle du nouveau millénaire en éco citoyen responsable et volontaire.
La philanthropie : C’est par le mécénat, et la donation d’une entreprise ou d’un individu aux organisations non gouvernementales (pouvoir décentralisé et démocratique) actrices parfois bénévole à l’échelle régionale grâce aux associations dans nos collectivités, mais aussi au niveau mondiale grâce aux organisations défendant des projets durable dans les pays du sud et du nord, que nous tenterons de sauver le monde. En opposition avec l’avidité sans limite de bénéfices indécents de multinationales conquérantes dans le seul but d’abreuver, tels une bacchante, la frénétique envie de domination incessante de l’homme sur les autres espèces vivantes.
Je vais pour me coucher, le réveil sonne, je me perdrais profondément dans les bras de la sœur de Morphée, plus tard. Un avion doit me conduire dans un des 13 parcs nationaux crée en 2002, à l'occasion du Sommet de la Terre, à Johannesburg. Le président Omar BONGO ONDIMBA s’exprimera d’ailleurs à cette occasion : « Le paradis terrestre existe et il se porte bien au Gabon, protégé par notre système de parcs nationaux. Nous invitons le monde à partager ces trésors naturels en gardant à l’esprit la notion de durabilité ». Cette décision consacrant plus de 10% du territoire à la préservation de la nature, de la faune et de la flore est accompagnée d’une VISION POUR LE GABON, le tourisme, les parcs, et le développement durable au 21éme siècle dont voici un extrait: « En 2015, le Gabon deviendra la première destination mondiale pour le tourisme lié à la forêt tropicale africaine, ainsi qu’un modèle pour les parcs nationaux du vingt et unième siècle. Le gouvernement, les citoyens, les organisations non gouvernementales, les investisseurs privés ainsi que d’autres partenaires travaillerons ensemble à la création des institutions nécessaires afin d’accueillir un nombre important de touristes d’une façon non seulement respectueuse de l’environnement mais aussi économiquement et socialement durable ». Le modèle, le pionnier, le voici ; opération Loango, appartenant à une compagnie Néerlandaise SCD, comme leur jouet Eco Tourisme du Luxe, unique parc animalier au monde ou des éléphants, des hippopotames, des buffles vont « surfer » et prendre des bains de soleil sur la plage avant de retourner dans la savane. Baleine à bosse en été, tortue luth en hiver. Dans la lagune encerclée par la mangrove, j’ai découvert des lamantins de jour et des crocodiles de nuit. Lors d’un trek à pied dans la savane rencontre avec un éléphant à 10 m puis mon éco guide, formé sur place, souvent des anciens braconniers reconvertis, me montre des traces de griffes de léopard sur un arbre. A ce moment là, une famille de potamochère surgit d’un buisson, plus de peur que de mal. Ce parc supporte aussi des missions scientifiques en partenariat avec le World Conservation Society et le World Wild Fund, en particulier l’étude de gorilles. Le succès en matière de développement durable tient aussi de l’appui financier, de la protection de la biodiversité, de l’emploi des riverains, l’appui aux villages avoisinants, la contribution à l’économie nationale au travers de produits touristiques. Malheureusement, le rêve touche à sa fin, les 24 heures sont passées si vite à LBV, une baignade dans la piscine et nous voilà reparti pour de nouveaux horizons.
Libreville est donc une ville avec un potentiel développement durable incroyable, d’un point de vue écologique, de part sa faible empreinte écologique essentiellement dû à sa faible densité démographique, l’import de 80% de son alimentation et l’absence quasi-totale de fabrication locale, ce qui est donc un problème pour l’économie à long terme du pays qui n’est finalement basé que sur l’export du pétrole qui s’épuisera un jour, et le bois bien qu’en exploitation durable pour la plupart. D’un point de vue social, le système sanitaire excellent dans les années 80, s’essouffle peu à peu, la jeunesse est obligée d’étudier en Europe pour ses études supérieures, et le pouvoir consécutif de 40 années commence à peser. Grâce à la vision que je viens d’évoquer, avec la création de deux parcs nationaux aux abords de la ville : l’Akanda et le Pongara, le développement de Libreville devient soutenable, et tout le monde dit qu’il y a tout pour être heureux à LBV. Et c’est vrai, la majorité des habitants ne se plaignent pas et portent en eux ce bonheur inaltérable et surprenant les continentaux. Prochain départ pour une lointaine ville … bientôt…sûrement….
C.P. – CC12 « Les Récompenses» – Mai 2008
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