Probablement autour du Soleil, avant de revenir à sa position initiale, dans 365,26 jours exactement.
Mais ce n’est évidemment pas la réponse attendue. Les évènements historiques, donc rares, n’ont jamais été aussi fréquents. 7 ans après le choc du 11 Septembre, 19 ans après la chute du Mur de Berlin et trois jours avant le licenciement de Raymond Domenech, voici qu’une nouvelle crise, financière cette fois, menace le monde de désintégration. Crise économique, faillites bancaires spectaculaires, retour du protectionnisme, prise de pouvoir par la Chine et les autres pays émergents déjà émergés, élection d’un noir à la Maison Blanche, guerre sans issues et bataille planétaire pour le contrôle des ressources naturelles, bouleversement climatique : la chute des places financières mondiales semble annoncer de grands cataclysmes. Aujourd’hui, la ménagère a peur pour la Bourse et pour la Vie.
La première question, devant tant d’agitation de l’écume des jours, n’est pas de comprendre. Dans l’histoire des hommes, cette démarche a toujours été bien postérieure aux événements, quelle que fût la qualité de nos guides et savants – prêtres, mages et roitelets hier, journalistes, économistes et hommes politiques aujourd’hui. La réaction la plus immédiate est bien davantage, en règle générale, de chercher des coupables à accabler, désigner, et haïr.
Il va de soi que l’on verra croître les effectifs des illuminés, prompts à exciter la vindicte populaire contre un tel, machin chose, tel groupe humain, tel responsable, telle nation. Comme à chaque fois, des victimes expiatoires pâtiront de la méchanceté des hommes. Mais comme à chaque fois, cela n’ira guère plus loin que les diatribes de comptoir dans les pays civilisés, quelques massacres dans les pays qui le sont moins.
La grande vague de l’histoire effacera tout cela.
La vraie rupture, le vrai risque à encourir serait plutôt un bouleversement majeur de notre civilisation, non sous les coups des hordes de ses contestataires, dont les rangs sont et seront toujours très éclaircis, mais du fait de l’apathie des peuples qui ne croient plus en leur système. C’est ainsi souvent que quelques groupuscules parviennent à renverser des empires : révolution française, révolution bolchévique, montée des fascismes et même guerres de religion si l’on veut avoir de la mémoire – tout cela n’a jamais été le fait d’un peuple en colère, mais d’un peuple absent et désenchanté.
C’est ainsi qu’en France, quelques contestataires se font particulièrement audibles ces derniers temps, et pointent les coupables d’une manière : non pas des individus, mais le Système. L’écho de leurs thèses, que l’on croyait à peine audible, retentit de plus en plus fort dans le contexte actuel.
Capitalisme, Etats-Unis, Société de Consommation, Société Ouverte. Dans sa version chimiquement pure, ces quatre éléments sont perçus comme équivalents. La crise actuelle montrerait bien que ce sont les plaies de notre monde, les fléaux nécessairement infligés par les classes supérieures arrogantes qui trouvent leur compte dans ce schéma, dans le mépris de la masse des victimes d’un tel système. Les conséquences sont claires : le système de recherche du profit ne peut conduire qu’à la spéculation, la domination américaine nous condamne à l’impuissance, la société de consommation martyrise notre planète, le libre échange détruit des emplois, quand ce ne sont pas les immigrés qui viennent nous les voler (en même temps que nos femmes). Dans sa version allégée, cette thèse parlera des excès du capitalisme financier, des erreurs de l’Administration Bush, des dangers de la surconsommation et de la trop grande liberté accordée aux marchés ou au commerce international. Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce diagnostic « socialdémocrate » n’est qu’une édulcoration bienséante et légèrement embourgeoisée des croyances profondes du peuple français.
Demain dans les journaux, quelques pointures intellectuelles subventionnées pronostiqueront la fin du capitalisme, parieront sur l’effondrement d’un empire américain dont nul n’aura jamais réussi à prouver l’existence, exigeront des limitations drastiques à notre mode de vie (mode de vie qu’ils s’efforceront de limiter
tandis que le monde entier s’efforce toujours de l’imiter). La faillite d’une banque sera la traduction de la faillite de
l’Occident. Les cris de révolte seront indexés sur les cours du baril. On demandera une contrition de l’Amérique et de l’Europe - le programme est déjà lisible : en Afghanistan, l’OTAN suspend ses vols, en Europe on réclame une désunion européenne, partout en Occident les immigrés sont priés d’aller immigrer chez eux, etc...
Qu’adviendra t-il de tout cela ? Un recul de la mondialisation ? Des crispations identitaires plus marquées ? Ou au contraire l’avènement d’une coopération internationale encore plus prononcée et l’abaissement des frontières entre les hommes ? La réponse n’est pas sûre. Seuls les discours que nous entendrons demain, au café ou dans le journal, le sont. Malheureusement.
S.D. – CC15 « L’Europe» - Septembre & Octobre 2008
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