mardi 25 janvier 2011

La finance & ses bugs

Le « bug » financier qui provoque la crise de 1929 suit le même principe que les subprimes. A partir de 1926, les investisseurs ont le droit d’acheter des actions à crédit ; le système tient le route du moment que le prix des actions augmente. Les années 20 sont une période de forte croissance aux Etats-Unis. Au départ, le boom boursier n’est donc pas complètement déconnecté de la réalité. Or, le cours des actions augmente de 300% durant cette décennie alors que la production industrielle n’augmente « que » de 50%. Comme d’habitude, chacun sait que ça va s’écrouler, on ne sait juste pas exactement quand. En avril 1929, les cours commencent à stagner, les taux d’intérêt augmentent, les investisseurs doivent vendre leurs titres pour rembourser leurs emprunts, ce qui pousse les cours à la baisse.
La crise actuelle fait également suite à un bug, celui du marché immobilier américain ; des crédits de ménages relativement pauvres dont la pérennité dépendait d’une hausse perpétuelle des prix. Après, il y a le contexte qui a permis une chose pareille, à savoir un système monétaire défaillant, la voracité financière, et la frénésie boursière. Puis, il y a tout ce qui se rattache au problème suite au ras-le-bol généralisé, sans en être vraiment la cause : salaires exorbitants des grands industriels, paradis fiscaux, impôts faibles pour les riches…
La réaction en chaine qui suit un bug est classique : la confiance chute, les consommateurs attendent avant d’acheter, les prix baissent, les entreprises font faillite. D’autre part, la confiance chute, les agents gardent leurs biens sous forme de monnaie plutôt que d’actifs productifs, l’investissement chute, les entreprises font faillite.
Premiers acteurs touchés : les banques. En 1929, c’est la crise systémique, le système entier s’effondre sur fonds de laxisme politique. Le repli protectionniste ne fait qu’empirer la situation. Entre 1929 et 1933, le PIB américain baisse de 30% et le chômage passe à 25%. Tous les pays occidentaux sont entrainés dans la chute, la baisse est de 18% en France sur cette même période.
En 2008, l’Etat fait le contraire : gonflement des liquidités et sauvetage des banques, refus du protectionnisme, plans de relance massifs, refus des dévaluations compétitives. Reste à savoir si le crédit va repartir afin que la crise n’entraine pas toute l’économie réelle dans la chute.
Vers le milieu des années 30, les Etats interviennent enfin pour mettre fin à la crise. On ne sait pas tout à fait si ceux sont les politiques publiques de relance keynésiennes ou l’économie de guerre qui a permis de sortir de la crise, probablement un mélange des deux. Mais la différence fondamentale entre cette époque et la note, c’est l’endettement des Etats.
Entre 1945 et la crise pétrolière de 1973, ceux sont les Trente Glorieuses. L’Etat-providence et dirigiste fait des merveilles, il y a pleins de choses à construire et pleins de marchés en essor (automobile, électroménager, et surtout l’économie des services). Mais au milieu des années 70 apparait le fléau économique et politique de notre temps, qui va paralyser le système et la marge de manœuvre des politiques jusqu’à la prochaine remise des compteurs à zéro : le déficit public. La crise actuelle, même si elle devait relancer l’économie, laisserait derrière elle des déficits publics colossaux. Pour simplifier : à moins d’annuler la dette, il faut bien que quelqu’un la rachète.
On pense au départ pouvoir contrôler les déficits en générant de l’inflation, et ainsi en réduisant le taux d’intérêt réel. Mais les créanciers ne se laissent pas avoir à chaque fois, et augmentent les taux d’intérêt, ce qui pèse d’autant plus sur la dette. De même, les consommateurs, en réaction à une politique de relance ambitieuse, épargnent plutôt que de consommer, en anticipant sur de futures hausses d’impôts. Lucide. Enfin, la stratégie de déficit public est d’autant moins pertinente que l’économie est aujourd’hui mondialisée, et les capitaux mobiles.
La situation est arrivée à un point où au lieu de financer des investissements productifs, une partie du déficit sert à rembourser… les déficits accumulés. Le recours aux marchés financiers pour résorber le déficit tarit les sources de financement d’autres investisseurs.
Il n’y a pas de recette miracle. Le capitalisme tient debout aussi longtemps qu’il y a de nouveaux marchés à exploiter. Rosa Luxembourg disait que pour créer ces nouveaux marchés, le capitalisme devait conquérir ce qui n’était pas en son sein, prenant les exemples de la conversion des économies féodales, ou, plus violemment, l’extermination des Indiens d’Amérique. Aujourd’hui, hormis l’Afrique, il ne reste plus grand-chose, mais le potentiel du continent, ainsi que des pays émergents, n’est pas à négliger.
Mais la vraie solution viendra des nouveaux marchés. Les Trente Glorieuses avaient des marchés colossaux à exploiter. Si une telle expansion devait se répéter, ce serait sans doute l’économie dite « verte », un concept vague mais qui propose un modèle nouveau : d’une part la production de nouveaux biens et services (classique), mais qui seraient bénéfiques à l’environnement, d’autre part, et cela est nouveau, une autre mesure de la croissance, où « moins » voudrait dire « plus ». On laissera l’humanité se débrouiller avec ça.

C.F. – CC18 « La Faillite » - Mars & Avril 2009

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