Combattants de la paix
La personnalité Sud-Africaine qui revient le plus en bouche lorsqu’on cite l’Afrique du Sud est sans conteste celle de l’ex-bagnard-président-prix Nobel de la paix Nelson Mandela. C’est pourquoi cet article ne vous mentionnera pas, ou peu, Nelson Mandela mais vous détaillera les vies de deux personnalités politiques moins médiatiques mais tout aussi importantes, toutes deux primées par le Nobel de la paix. L’une est l’ex président Frederik de Klerk, dernier président blanc du pays. L’autre est un archevêque anglican, le bien nommé Desmond Tutu. Toutes deux ont fait de la justice et de l’égalité leurs chevaux de bataille.
Frederik Willem de Klerk
Frederik Willem de Klerk est né en mars 1936 à Johannesburg dans une famille présente depuis trois siècles dans le pays et influente en politique (son père fut ministre et président du sénat et son oncle fut pendant un temps chef du gouvernement). Il débute ses études à Johannesburg et s’oriente vers une carrière de juriste. Il est diplômé en droit de l’université de Potchefstroom en 1958. Il devient avocat dans la ville de Vereeniging et refuse la chaire de droit public de son université pour se présenter au élections générales en 1972. On notera que pendant ses études, De Klerk a adhéré au Parti National (parti nationaliste afrikaner favorable à l’apartheid) et devint membre du Broederbond, sorte de société fraternelle de type maçonnique dédiée à la promotion de l’afrikanisme.
A la suite de ces élections, Frederik est donc élu député de Vereeniging. Il rentre, par la suite, au gouvernement dès 1978. Il occupe des poste de ministre dans divers domaines tels les sports, l’énergie, l’environnement, la santé ou encore l’éducation. En 1982, il devient le président de la fédération du parti national au Transvaal (région nord du pays). En 1985-86, il devient président du conseil des ministres et chef de la chambre blanche du parlement.
Son destin se précipite lorsqu’il se pose, en 1989, alors ministre de l’éducation, en tant que candidat à la présidence de son parti qu’il remporte de peu lors du troisième tour de scrutin. De Klerk rentre alors en conflit ouvert avec le président du pays Pieter Botha qu’il pousse à la démission la même année. Devant cette abdication du pouvoir, Frederik de Klerk assure l’intérim de la présidence de la république d’Afrique du Sud. Connu pour être un homme raisonné ayant un goût pour la négociation, il va entreprendre une transition en douceur en vu d’abroger l’apartheid. Il se rend tout d’abord en Zambie ou il rencontre en secret les responsables de l’ANC (African National Congress), le parti anti-apartheid de Nelson Mandela. Son but est d’associer les dirigeants noirs aux changements entrepris pour assurer une continuité viable, sans troubles de l’ordre public. C’est pourquoi, en 1990, il lève l’interdiction des partis d’opposition dont l’ANC et ordonne la libération des dirigeants emprisonnés dont Mandela. En 1991, il aboli les lois apartheid et pousse Nelson Mandela a cessé tout activités de lutte armée tout en poursuivant une politique de réconciliation.
En 1992, fustigé par l’extrême droite, il met en place un référendum pour la population blanche afin de lui permettre de continuer ses réformes constitutionnelles. Avec une approbation de 68%, une constitution provisoire est alors mise en place et les premières élections multiraciales sont organisées en avril 1994. Elles voient, bien sur, la victoire de Nelson Mandela et de son parti.
Ce bouleversement de l’attitude coloniale des blancs a valu à Frederik de Klerk de co-obtenir le prix Nobel de la paix en 1993 avec Neslon Mandela. Ce dernier, une fois président, propose à De Klerk de devenir second vice-président (poste unique crée pour cette seule occasion) afin de perpétuer les réformes qu’il avait lancé. De klerk accepte puis démissionnera en 1996 mettant fin à sa carrière politique et à la participation du parti national au gouvernement.
Il se retire avec sa seconde épouse dans sa ferme de Paarl mais reste au contact de la réalité politique du pays, n’hésitant pas a donner son avis. En 2000, il fonde aussi la fondation FW de Klerk qui promeut la paix dans les états multicommunautaires.
Desmond Mpilo Tutu
Elevé dans la culture, fils d’un professeur, Desmond Mpilo Tutu est né en octobre 1931 à Klerksdorp. Il souhaite rapidement devenir médecin mais devant le coût de telles études, renonce et poursuit de 1951 à 1954 des études pour devenir professeur. Il enseigne jusqu’en 1957 au Johannesburg Bantu High School mais démissionne en signe de protestation devant la piètre qualité des enseignements prodigués aux noirs.
Ce trublion au franc-parler s’orient alors vers la théologie, est ordonné prêtre de l’église anglican en 1961 et devient aumônier à l’université pour personnes de couleur à Fort Hare. Il part ensuite pour Londres où il obtient, en 1966, une maîtrise en théologie au King’s College.
Il revient pour un temps enseigner la théologie puis repart en Angleterre où il prend la vice-direction d’un institut de théologie entre 1972 et 1975. A cette date, il est nommé doyen du diocèse de Johannesburg (premier noir à ce poste) puis devient évêque du Lesotho de 1976 à 1978 et enfin premier secrétaire du conseil œcuménique d’Afrique du Sud.
Desmond Tutu est un opposant farouche à la violence et n’hésite pas prédiquer pour une lutte pacifique contre les injustices qui touchent son pays. Il acquiert une stature internationale et délivre devant des foules imposantes son message de non-violence, de contestation de l’apartheid et réfute le droit de vengeance que certaines communautés noirs peuvent réclamer.
Il obtient naturellement le prix Nobel de la paix en 1986 qui s’ensuit par une nomination au poste d’Archevêque de l’église anglicane d’Afrique du Sud, très critiquée par les ségrégationnistes.
En 1995, son ami Nelson Mandela le nomme président de la commission de la vérité et de la réconciliation (pendant 3 ans) qui œuvre pour le rétablissement de la dignité des victimes et le repentir des auteurs de forfaits.
Haute autorité morale du pays, Tutu œuvre toujours pour la justice et la transparence, n’hésitant pas à dénoncer ce qui lui parait anormal comme les salaires des parlementaires, la politique de ventes d’armes, le silence vis-à-vis du régime de Mugabe au Zimbabwe ou encore les attitudes militaristes dans le conflit Israélo-palestinien.
Ces deux hommes, en agissant dans l’intérêt de la liberté et la parité raciale, ont non seulement fait entrer leur pays dans une transition démocratiques qui propulse l’Afrique du Sud au rang de pays développé dans un continent noir parfois trop en proie à la guerre et au doute mais aussi ont permis au monde entier d’entrevoir une solution au règlement des conflits polyethniques. Bien sur, aujourd’hui en Afrique du sud tout n’est pas parfait mais quel chemin a été parcouru…
J.S. – CC13 "La Jeunesse" – Juin 2008
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