mercredi 26 janvier 2011

Cinémons - La Réalité de la Réalisation

J’ai entrepris, il y a maintenant deux ans de poursuivre une révélation, qui est arrivé tardivement dans ma vie. Aux alentours d’un 7 Mars 2001 a la sortie d’un film où j’ai longuement été fasciné par le grain de l’image, j’ai réalisé qu’il y avait un homme derrière la caméra et que je désirais un jour être comme lui. Ce grain qui, sept  ans après me travaille toujours autant, est probablement un des éléments clefs des choix faits par Steven Sodderbergh lors de la pré-production de Traffic.

En grandissant, on sait qu’il y a un chef d’orchestre derrière chaque élément qui compose un 1\24e de seconde. Le plus souvent le spectateur se déplace pour l’acteur en tête d’affiche, une bande-annonce bien ficelée ou pour une nouvelle sensation hollywoodienne. Hormis chez les cubistes, peu de personnes se déplacent pour le scénariste (je parle uniquement du scénariste et pas de l’auteur du livre dans le cas d’une adaptation) ou pour le réalisateur qui sont pourtant les deux seules raisons d’aller voir un film. Quel est le rôle de l’homme de l’ombre?

Il est, pour faire une métaphore évidente, un peintre dont l’objet de l’œuvre est le scénario, les pinceaux son équipe, la toile le film, et dont les couleurs sont les acteurs. Pour un même paysage, personne ou émotion, on aura selon le peintre un résultat toujours différent. La toile que l’on a choisie, le type de pinceaux utilisé et la façon de marier les couleurs entre elles donnent différents résultats ; différents acteurs, équipements et équipe apporteront autres choses qui résulteront dans la création de films totalement différents.

Le réalisateur prend un scénario qui l’intéresse et va image après image tenter de manipuler l’audience afin qu’elle puisse recevoir et comprendre sa vision. L’idée que l’on se fait d’un film est relativement simple, on réunit des acteurs, une équipe pour prendre le son et l’image et puis on tourne le scénario en plaçant la camera selon un feeling artistique. Un réalisateur classique (tel Kubrick peut l’être) place la camera à l’unique endroit qui va soutenir le message de leur film, ou l’émotion qu’ils désirent nous faire ressentir. C’est une question presque anodine, pourquoi faire des coupes ?  Pourquoi changer d’angle de camera ? La réponse n’est pas seulement pour garder l’attention du spectateur, ou pour montrer les autres interlocuteurs. On peut déplacer la camera sur l’axe vertical qui change la perception du personnage, le regarde-t-on de haut, d’en bas, ou sommes-nous aux mêmes niveaux de lui émotionnellement ? L’axe horizontal est un autre choix, regarde-t-on le personnage dans les yeux, de trois quarts ou de profil ? Le réalisateur choisit ainsi de quelles façons nous avons accès à l’intérieur du personnage qui se trouve sous ses yeux. Le dernier axe est celui du plan, la distance a laquelle on se trouve du personnage ainsi. Cet axe détermine aussi si l’on regarde le personnage à travers une vitre, à travers les yeux d’un autre acteur, s’il est seul à l’écran ou entouré de ses interlocuteurs ; il permet de créer l’isolement ou l’intégration d’un personnage dans son quotidien.

Ensuite le choix de la manière de capturer la scène en choisissant si on suit notre protagoniste camera à l’épaule, ou alors grâce un steady cam (caméra portative) ou bien sur un trépied, ce qui change l’état émotionnel que vous voulez transmettre. La steady cam apporte une sorte mouvement flottant et doux, alors que camera à la main ajoute une violence visuelle à la scène par ses mouvements hectiques.

Le choix de la lentille utilisé qui modifie la profondeur de champs accessibles au spectateur ainsi qu’une distorsion des distances entre les objets. Je vais faire une analogie avec les reflex ou les reflex numériques, qui fonctionnent comme une caméra. Ainsi, souvent les amateurs de photos prennent leurs clichés sans réfléchir à la distance entre eux et l’objet, et en règle générale optent pour le plus simple qui est l’utilisation du zoom. La distance entre l’objet de notre attention et notre objectif devrait être déterminé par l’émotion que l’on veut transmettre ou simplement le message que l’on désire communiquer. Lorsque l’on zoom au maximum, le rapport spatial entre les objets  diminue, tout apparaît plat ; de plus en jouant avec la focal on peut obtenir d’avoir juste l’objet de la photo nette et le reste flou ce qui permet d’encore plus détache l’objet du reste du décor et ainsi amener encore plus notre attention dessus. Au contraire, sans le zoom, la distance entre les objets est plus importante et toute l’image sera nette. L’émotion qui vous désirez capturer détermine le zoom, la focale, la vitesse d’obturation et l’ouverture de la lentille et non l’inverse.

Le meilleur moyen d’illustrer mes propos est un exemple. Chacun a déjà vu ce plan – utilise souvent juste par esthétisme - où le personnage reste centré mais le monde autour de lui s’étend ou se resserre. Le principe est de zoomer pendant que physiquement, vous reculiez la camera – ou vice-versa – qui dans ce cas là va faire effondrer le monde autour des protagonistes. La première et unique utilisation valable de cet effet fut l’œuvre de Martin Scorcese lors du fameux repas entre Robert De Niro et Ray Liotta dans Goodfellas où Liotta réalise qu’il va être tué. Lors de cette épiphanie, l’effet expliqué tantôt est utilisé et le monde derrière eux se rapproche indiquant qu’il n’y a plus d’échappatoire pour lui, que son univers va l’étouffer.

Tout ce travail, ainsi que celui des costumes, des décors, des accessoires, du maquillage, du choix des acteurs, du ton, des visuels sont choisis lors de la pré-production en consort avec les chefs des départements respectifs. La partie la plus importante du réalisateur est  de déterminer lignes par lignes les intentions de chaque acteur afin de savoir à tout moment quelles intentions il désire communiquer aux spectateurs. Il est le métronome des émotions, il est le seul à communiquer avec les acteurs sur leurs performances. Son principal rôle lors du tournage et de communiquer à toute l’équipe le ton de la scène afin que le plateau résonne au même tempo et d’obtenir de ses acteurs les performances qu’ils désirent.

La phase de post-production longue et fastidieuse se compose dans un premier temps du montage. Le montage peut détruire un film, l’embellir et même le sauver, mais son principal rôle est de choisir l’arc émotionnel du film ainsi que ce que l’on désire révéler aux spectateurs. En choisissant d’inclure ou d’omettre certaines réactions d’un acteur, on peut transformer l’intention du personnage, est-il entrain de mentir, est-il sincère ? Une fois le montage finit vient une phase compliqué qui est celle du mixage sonore. Un film tourné dans des conditions parfaites conserve uniquement 20% des sons enregistrés en plateau et ces 20% sont uniquement les dialogues. Tous les sons de pas, de vêtements, de portes, de pluie, bref tout ce qui n’est pas un dialogue, est enregistré par un artiste son qui va imiter les mouvements des acteurs et enregistrer un son séparé pour chaque action. Ensuite un mixeur va mélanger les dialogues, la musiques, les effets spéciaux et les bruits et l’exporter dans le format de son adéquate (5.1, Dts, …).

Entre le début de l’écriture et le moment où le film sort en salle, si vous n’avez pas de têtes d’affiches ou un studio qui soutient le projet, le processus prend 3 à 5 ans. Voilà un autre aspect du réalisateur, gardez sa motivation et continuez à inspirer à chaque instant chaque membre qui travaille sur son film à croire au projet et l’aider à le rendre le plus complet possible.

Voilà un aperçu de ce fabuleux métier qu’est celui de réalisateur, un métier qui fait rêver beaucoup, pleurer d’autres, agace certains, fait réfléchir une minorité ; un métier qui combine une part d’art à une grande quantité d’entreprenariat. Bref un métier comme beaucoup d’autres mais dont la portée est universelle.

M.D.D.L.R. – CC12 « Les Récompenses» – Mai 2008

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