mardi 25 janvier 2011

Lisons - "Malavita", de Tonino Benacquista

Tonino Benacquista, célèbre auteur écrivain et scénariste franco-italien né en 1961, a réussi un coup de maître en exprimant la complexité de la vie dans le secret, et de tous les mensonges qu'un tel type d'existence implique.
Un mafieux américain, repenti, vit reclus en Europe, avec sa famille et sa chienne Malavita, dans le secret complet de sa réelle situation. En effet, ayant témoigné à charge contre ses semblables, Fred a entraîné sa famille dans un programme de protection des témoins du FBI, Witsec.

Au fin fond de la Normandie, à Cholong-sur-Avre, ce père de famille décide de se faire passer pour un écrivain-historien, préparant un ouvrage sur le Débarquement. Et se projette dans l'écriture de ses mémoires.
Notre ami porte sur ses épaules au quotidien le poids de son secret, pour sa propre survie et celle de sa famille, mais aussi pour sa protection sociale par rapport à son passé de tueur. Tout le monde a des secrets qu'il ne veut pas voir révélés, et c'est un combat quotidien de les présager de la curiosité humaine.
L'humain est curieux par nature: il ne peut se satisfaire uniquement de sa propre existence. Les vies ne sont que des interactions avec celles de nos congénères; nos émotions sont le résultat de la confrontation de nos secrets à l'indiscrétion des autres.

Fred, alias Giovanni Manzoni, se voit contraint, ainsi que les siens, d'éviter à jamais certains sujets: la mafia, ou pire encore, sa filière américaine issue de Sicile, la Casa Nostra. Si l'on peut définir globalement un thème à éviter, il va sans dire qu'en découlent de nombreux autres: dans le cas de notre exemple, même la gastronomie italienne est interdite, sa culture dans son ensemble, son application dans d'autres pays, etc...

Il faut être prêt à dissimuler ses connaissances et ses expériences, s'abstenir d'anecdotes passées; refouler ses sentiments, ses peurs, ses angoisses et même certains bonheurs passés. Dans certains cas extrêmes, comme dans Malavita, toute photo, toute prestation publique est aussi interdite. A priori, rien de trop gênant, mais dans les faits, cela règle une existence: pas de spectacles d'école, pas de vie publique donc pas de carrière dans la représentation, pas de fréquentation de personnage dit « public » et pas d'apparition dans ces endroits où trainent parfois quelques paparazzis. Toute erreur, aussi minime soit elle, peut s'avérer fatale!

Globalement, vivre dans le secret revient à se priver volontairement d'une partie de soi alors que c'est notre vécu qui nous façonne: rejeter son passé en masse, sans dentelle ni sentiment, et garder la tête haute sans pouvoir montrer qui l'on est et à quel point on est fort.
Vivre dans le mensonge revient à berner au quotidien ses semblables, et à lutter continuellement pour ne pas se faire prendre à ses propres pièges.

H.W. – CC16 « Le Secret » - Novembre & Décembre 2008

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