mercredi 19 janvier 2011

La Démographie En France

Immigration Choisie & Vieillissement Subi
L’immigration a été l’objet de tous les débats. On doit avoir entendu tout et son contraire à son sujet. Les idées reçues sont si nombreuses qu’on ne sait plus où donner de la tête. La France, avec 8-9% de chômage, regorge-t-elle de travailleurs ? Si oui, doit-on stopper les flux migratoires ? Faut-il rester maitre chez soi et relancer la démographie ? Ou faut-il accueillir les immigrés en masse pour contrer le vieillissement de la population ? Bien que les opinions divergent du fait de croyances différentes, certains faits nous permettent un bref
raisonnement qui tente de répondre à ces questions.
Basons-nous tout d’abord sur la démographie, donnée essentielle pour raisonner sur le contrôle des frontières d’un point de vue strictement quantitatif. François Héran, directeur de l’Institut National d’Etudes Démographiques, a publié, en début d’année, une étude sur le destin de la population française, Le temps des Immigrés. Son étude est rassurante car elle permet assez nettement, de distinguer le vrai du faux dans le débat (et surtout le faux du vrai). La révolution démographique, qui se profile à l’échelle mondiale, est si puissante que, même en faisant varier certains chiffres contestés (par exemple l’immigration clandestine) entre ce qu’imagine la LCR et ce que fantasme le FN, on peut en tirer des conclusions très claires.
Tout d’abord, le taux de fécondité en France, qui tourne autour de deux enfants par femme, ne suffira pas à contrer le vieillissement de la population. Par rapport à nos voisins, moins féconds au moins en ce sens-là, il nous donnera au mieux un court « sursis ». En fait, pour maintenir le rapport numérique entre les personnes de plus de 65 ans et les personnes de 15 à 64 ans (qui était de 4.4 en 1995), il faudrait accueillir 1.7 millions d’immigrés par an jusqu’à 2050 ! Ce qui voudrait dire que la France compterait 190 millions d’habitants, dont les 2/3 seraient issus de l’immigration depuis 1995. Même avec toute la volonté du monde, et compte tenu que le vieillissement ne touche pas que les pays développés mais aussi des pays comme la Chine, le vieillissement à l’échelle planétaire est inéluctable. Il n’y a tout simplement pas assez de personnes sur Terre pour maintenir le rapport entre actifs et retraités.
D’autre part, le vieillissement de la population sera un phénomène « subi ». Les nativistes proposent de mener une grande politique de natalité pour contrer la tendance. Faisons des enfants et restons maitres chez nous ! Encore une fois, même avec de la bonne volonté, même avec les crèches les mieux équipées et les congés parentaux les plus incitatifs, un nouveau baby boom reste improbable, et serait de toutes manières une goutte dans l’océan. Les pays à basse fécondité comme l’Espagne ou l’Italie peuvent s’inspirer des systèmes familiaux des pays à moyenne fécondité comme la France, mais en ce qui nous concerne nous avons atteint la limite. En fait, le vieillissement de la population est davantage un problème de mortalité qu’un problème de natalité : l’espérance de vie augmente à un rythme de 3 mois par an. Pour des raisons (pas si évidentes) d’éthiques, on ne peut pas s’attaquer à la mortalité en tentant d’en augmenter le taux.
Enfin, les politiques d’immigration choisie menées par le passé se sont toujours soldés par une immigration « subie » nettement supérieure aux quotas imposés. Les exemples du Canada, de la Suisse, de l’Espagne, et de l’Italie montrent qu’on peut mettre en place toute la bureaucratie nécessaire pour « choisir » ses immigrés, tôt ou tard l’immigration de peuplement prend le dessus sur l’immigration de travail. Aujourd’hui ces pays affichent des taux d’immigration nettement supérieurs à celui de la France.
Malgré ces faits, François Héran garde un point de vue nuancé envers les lois Sarkozy de 2006. L’interprétation qui occupe le devant de la scène consiste à penser que ces lois visent à réduire les flux migratoires pour que chacun sur le sol français trouve un travail. L’auteur propose avec habileté une interprétation plus subtile. Le gouvernement est conscient du choc  démographique qui se profile à l’horizon. Le texte des lois Sarkozy le reconnait d’ailleurs à demi-mot. L’objectif de la loi serait alors de « fermer pour mieux ouvrir ». Accueillir davantage d’immigrés, mais en faisant passer chacun à travers le nouveau système.
Plus généralement, puisqu’on ne peut contrer le vieillissement ni par la natalité ni par l’immigration, que faire ? Toute notre conception du rapport entre les générations est à revoir. En la matière il y a deux grandes écoles de pensée. La première consiste à réaménager la solidarité entre les générations et maintenir le niveau des cotisations: travailler plus longtemps, se débarrasser des préjugés envers l’emploi des seniors, développer l’industrie des services à la personne, financer de l’allocation dépendance, en somme, soutenir une tendance relationnelle par le développement d’une économie spécifique. La deuxième consiste à « responsabiliser » et rendre encore plus indépendant l’individu. Chacun se débrouille, chacun est responsable de thésauriser suffisamment d’argent en vue de la retraite.
Bref, poursuivre la tendance actuelle d’individualisation et de suppression de toutes considérations pour son prochain en atteignant les limites du capitalisme. Quel que soit notre avis sur la question, la réalité se trouvera quelque part entre les deux extrêmes. Où exactement ? Tout dépendra des valeurs de solidarité et du sens de la famille qui saura résister à la conception de plus en plus solitaire de la vie en société. Dans cette optique il n’est pas certain que l’Europe s’en sorte mieux que la Chine ou que n’importe quel autre pays.

C.F. – CC 1 « Le Renouveau de la France » – Juin 2007

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