mardi 1 février 2011

Un pays - La Belgique

Les belges ? Qui sont-ils ? On est en droit de se poser la question. Après tout, nous les jouxtons. Souvent perçu comme la petite sœur un peu simplette de la France, la Belgique est en fait un pays déchiré au bord de l’implosion. Afin de mieux comprendre le problème actuel, jetons un œil sur cette curieuse histoire belge.

Tout commence au temps des ducs de Bourgogne. Les Pays-Bas d’alors regroupaient les actuelles Belgique et Pays-Bas. A la mort de Charles le téméraire, c’est Charles Quint qui hérite de ces provinces. A sa mort, elles échouent du côté espagnol de sa descendance, dans les mains de Philippe II. La réforme protestante éclate alors en Europe et tout le Nord du pays se convertit au calvinisme tandis que le Sud s’accroche au catholicisme. C’est une des causes majeures de l’antipathie qui règne depuis lors entre les deux parties du Pays. Le Nord parvient même à faire scission de l’Espagne en 1581 et proclame son indépendance sous le nom des « Provinces-Unies ». Les Etats du Sud, correspondant à l’actuelle Belgique et à quelques provinces des actuels Pays-Bas, demeurent espagnols. Le Nord, calviniste et néerlandophone, s’émancipe grandement et ses ports deviennent les places centrales financières et commerciales de l’Europe ainsi que le centre culturel des innovations artistiques et intellectuelles. Dans le même temps, le Sud, devenue une simple province espagnole, concentre ses efforts à combattre l’idéologie protestante et tente de faire cohabiter les cultures différentes qui la composent.

Au début du XVIIIème siècle, Louis XIV parvient à placer son petit-fils sur le trône d’Espagne, Philippe V (Felipe V). En contrepartie, les Pays-Bas du Sud sont cédés à la dynastie des Habsbourg d’Autriche. Si l’on rajoute le sentiment d’être un objet de troc aux problèmes de cohabitation entre différentes langues, cultures et religions, on comprend la difficulté de la Belgique de s’affirmer avec une identité bien précise tant les changements de frontières ne relèvent d’aucune réalité démographique et culturelle. C’est pourtant à ce moment-là, sans doute lasse de temps d’indifférence, que la volonté de s’affirmer naquit : Horum omnium fortissimi sunt Belgæ (De tous, les Belges sont les plus forts) ne disait pas César.

Faisant écho à la révolution française, la région du Brabant s’éleva contre les réformes du roi Joseph II d’Autriche, frère de Marie-Antoinette. Cette révolution dite « brabançonne » lança la révolution deux ans plus tard qui aboutit à la création, tenez-vous bien, des « Etats-Belgiques-Unis », je suis sérieux. En 1792, les français envahissent ce jeune pays et profitent de l’occasion pour unir tout ce beau monde à la république française naissante ce qui ne sera officialisé qu’en 1801 par Napoléon. Ainsi donc la Belgique n’a cessé d’être balancée au gré des rois et des guerres… C’est enfin une révolution, mais industrielle cette fois, qui permettra à la partie wallonne de connaître un développement économique énorme et d’acquérir une émancipation bien méritée.

Mais l’histoire se répète et lors du partage de l’Empire napoléonien à Vienne en 1815, toutes les provinces des Pays-Bas du Sud sont offertes aux Pays-Bas du Nord, toujours protestants, ceux-là mêmes qui avaient obtenus leur indépendance quelques siècles plus tôt. Ainsi, un « Royaume-Unis des Pays-Bas » est crée avec à sa tête Guillaume II d’Orange, prince héritier de la couronne des Pays-Bas du Nord. Les 3,5 millions belges d’alors, catholiques, francophones pour la grande majorité, sont alors rattachés aux 2 millions de protestants du Nord. Précisons que la langue de l’élite de l’époque était le français et que, bien que roi des Pays-Bas, Guillaume Ier, prédécesseur du numéro II, était francophone. Ce n’est qu’au moment de ce rattachement que le roi a commencé à faire monter graduellement le néerlandais comme langue officiel afin de satisfaire les provinces du Nord qui avaient peur de se faire progressivement absorber par la culture francophone.

Ce qui devait arriver, le monde étant bien fait, arriva. Profitant ici encore des nombreux soulèvements européens des années 1829-1830, les belges se soulevèrent dans un mouvement soutenu par toutes les franges de la population. L’indépendance fut obtenue pour les Etats du Sud ainsi que pour des provinces du Sud des ainsi que pour quelques provinces du Nord. Le  gouvernement provisoire cherche alors un roi pour ce nouveau royaume belge francophone et catholique. Il faut savoir qu’à l’époque, la haute noblesse choisissait ses royaumes avec la crainte virginale de ne parvenir à se faire accepter par le peuple et d’y laisser sa vie. Une offre fut faite à Louis-Philippe (roi de France de 1830 à 1848) puis à son fils. Les deux déclinèrent. On proposa ensuite à Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, oncle de la reine Victoria. Il venait de décliner la couronne de Grèce, et accepta de devenir Léopold Ier. Son règne permit de poser les bases de l’unité nationale. Sa descendance ne profita hélas pas des meilleurs gènes. Son fils, Léopold II, conquit le Congo et en fit son domaine personnel. Nul besoin de préciser que le travailleur congolais de l’époque fut soumis à rude épreuve mais, et c’est tout à son honneur, fit du Congo un des premiers producteurs de caoutchouc d’Afrique ! A peu près 6 millions de morts plus tard, le roi Léopold II céda ce brave pays à la Belgique en 1908. Son fils, Léopold III, capitula en 1940 devant l’Allemagne contre l’avis du gouvernement avant de s’enfuir en Angleterre. Il fut contraint d’abdiquer en faveur de son fils Baudouin pour avoir le droit de remettre les pieds dans son pays.

En 1960, les congolais, le peuple, pas les pâtisseries, emmenés par Patrice Lumumba obtinrent leur indépendance. Les services secrets belges étant revanchards, ils parvinrent à soutenir Joseph-Désiré Mobutu qui lui arracha le pouvoir. Ils assassinèrent le pauvre Patrice avec l’appui de la CIA.

Depuis lors, comme hérité de ce passé mouvementé, les tensions ne cessent d’escalader entre les flamands, néerlandophones du Nord, et les wallons, francophones du Sud. A noter aussi la présence, à l’Est, d’une communauté germanophone dans des proportions beaucoup plus raisonnables. D’autre part, si la Wallonie était le principal moteur économique de la Belgique au début du XIXème, elle a rapidement décliné dans les années 60. A contrario, la Flandres s’est beaucoup ouverte et la première langue étrangère y est même devenue l’anglais !  Elle est même devenue la région la plus dynamique de Belgique et tient à elle seule l’économie. Raison de plus pour les flamands de dénigrer cette région à forte inertie et au syndicalisme paralysant sacralisé, tradition probablement hérité de la France.


La cohabitation entre les différentes communautés se fait de manière plus en plus conflictuelle : on assiste même à la naissance de parti politique qui revendiquent l’indépendance de l’une ou l’autre partie et qui remettent en cause le système politique très spécial de la Belgique. Le refus de mélanger ces deux peuples au moment de leur réunification n’a fait qu’accentuer les différences et les rivalités. De plus, le retournement économique qui a conduit la Flandres à devenir le moteur économique national en lieu et place du bassin wallon devenu un rétrograde et obsolète a conforté les flamands dans leurs arguments sécessionnistes. La Belgique, membre fondateur de l’Europe et siège de ses institutions, pose donc la question brulante de savoir si plusieurs communautés, cultures ou langues peuvent cohabiter au sein d’un socle commun...

D.A. – CC5 « L’Humour» – Octobre 2007

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