samedi 5 février 2011

Lisons - Mangez le si vous voulez

Jean Teulé, 2010
Adorateurs de Jean Teulé et de sa verve cynique et pointue,  vous trouverez dans ce roman-vérité la palpitante histoire d’Alain de Monéys, qui le 16 août 1870, fut simplement lapidé par les participants de la foire d’Hautefaye (Dordogne), ivres de vin et assoiffés de sang.
En cette période où les Prussiens étaient les ennemis jurés des Français, on découvre la barbarie d’un crime sans raison, commis par une foule en manque de vengeance et voulant prouver sa fidélité à l’Empereur, sans pour autant rejoindre les tranchées.
Ce qui est surprenant, avec cette « anecdote », est à la fois sa faible popularité (connaissez-vous beaucoup de professeurs d’histoire qui vous l’ont narrée ?) et sa notoriété honteuse, qui ont mené cent ans plus tard les descendants, tant de la victime que des meurtriers, à se réunir pour demander pardon.
La sortie de ce roman-vérité fait suite à de nombreuses publications sur cet événement. C’est pourquoi quand Jean Teulé l’a romancé, nombreux ont été ceux qui craignaient une nouvelle version scandale. On notera surtout les peurs du maire d’Hautefaye, Francis Donnary : « A chaque fois que sort un nouveau livre ou un article, je regarde en disant à quelle sauce ils vont encore nous l'arranger ! ». Celui-ci a vu défiler presque autant de curieux intéressés que d’habitants de son village, 133, depuis qu’il est devenu maire du village en 1977.
La majorité de ces curieux visiteurs a pondu un essai, un livre, un article ou encore un court-métrage, sur ce drame – ce qui a malheureusement valu à Hautefaye le laid surnom du « village des cannibales ». On citera uniquement le premier à s’être afféré à l’écriture d’un livre, Georges Marbeck en 1983 : « Plus qu'une sombre affaire locale, c'est la répétition d'un rite de violence vieux comme le monde : le meurtre d'un bouc émissaire ».
En attendant, les habitants d’Hautefaye et des communes voisines devront continuer à recevoir ces visites incessantes, même si les lieux n’offrent plus de cafés ou commerce quelconque.
Et oui, si Gambetta avait accepté que le nom d’Hautefaye disparaisse, à la demande du sous-préfet de Nontron, les jours du village des cannibales se seraient déroulés dans une sérénité plus grande !

H.W. – Janvier 2011

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