Nul doute que Christophe Colomb et ses fiers conquistadors ont su, dès leur débarquement, le 28 octobre 1492, violer avec entrain et vigueur les premiers indigènes rencontrés sur l’île de Juana (actuelle Cuba), après leur longue traversée de l’Océan. En effet, cette île met à la disposition de ses habitants des conditions de vie optimales, qui leur confère une séduisante constitution ainsi qu’un teint halé et rieur incapable de déplaire à ces farouches européens fraichement débarqués. C’est donc dans un climat de grande complicité que les espagnols commencèrent leurs quatre siècles de colonisation de la plus grande île des Antilles.
Asservissant les 60 000 amérindiens, Arawaks ou Karibs, Señor Velazquez, premier gouverneur, parvient, avec une étonnante rapidité, à épuiser les réserves d’or. Les innovations géniales naissant souvent de la nécessité, cet homme fort ingénieux eut la formidable inspiration de développer les plantations de canne à sucre, de tabac et de café sur cette île au climat si propice à leur culture. Hélas, ces choix impliquent une grande main d’œuvre et le physique sus-loué des autochtones ne parvient pas à survivre bien longtemps aux exigences sauvages d’un esclavage rugueux et d’infections toutes européennes. Par conséquent, entre 1511 et 1513, l’Amérindien opine et finit par s’éteindre. Fort heureusement, le Continent Africain n’avait pas encore été mis à sac par les peuples Occidentaux. Commence alors l’importation de près de 800 000 esclaves en presque trois siècles depuis le Nigéria, les actuels RDC, Congo, Angola et Sénégal principalement. La brève mais néanmoins élégante occupation britannique de la Havane permet, en neuf mois de 1762, d’ouvrir le port à l’international et de faire venir 10 000 esclaves. Cette occupation se ponctuera par l’échange du Cuba anglais contre la Floride espagnole (pour mémoire, la Floride redeviendra espagnole en 1783 à la suite du traité de Versailles).
L’agrégation de ces évènements contribue à un développement économique et démographique sensationnel. En 1840, on caresse même pudiquement le million de Cubains.
En 1868, sans doute inspiré par l’issue heureuse de la Guerre de Sécession américaine trois ans plus tôt, les esclaves cubains, libérés par leur maîtres, s’insurgent et sont bientôt rejoins par les vétérans sécessionnistes en mal de guerre. L’esclavage est aboli en 1880 et l’égalité des droits entre les « Noirs » et les « Blancs » est votée en 1893. Deux ans plus tard, un soulèvement du peuple réclame l’application effective de ces règles. Les Etats-Unis d’Amérique prennent alors part au conflit et, à la suite de l’explosion d’un de leur navire de guerre dans le port de la Havane en 1898, font débarquer leurs troupes à Cuba. Les Espagnols capitulent. L’Histoire, qui, comme un bon professeur, aime se répéter, permet à cette occasion au président américain McKinley d’instaurer un gouvernement militaire à Cuba et d’annexer Porto Rico, les Philippines et Guam par la même occasion avant de se faire abattre en 1901, laissant la place encore chaude à Théodore Roosevelt.
La République de Cuba ne naît officiellement qu’en mai 1902 lorsque les troupes américaines évacuent l’île tout en gardant quelques bases navales, dont Guantanamo et après avoir fait signer un amendement qui place Cuba sous le protectorat américain. Si les troupes américaines quittent l’île, les exportations restent très grandement dirigées vers l’Amérique dont l’armée interviendra quatre fois à la demande des cubains pour rétablir l’ordre. La première guerre mondiale fait alors rage en Europe et se conjugue bientôt à la grippe espagnole pour rendre inutilisable ou inexploitable la majorité des champs de betteraves européens. Le cours du sucre s’envole. Cuba s’enrichit mais lorsque le cours retombe, c’est la crise. Les Etats-Unis veulent alors intervenir mais la crise de 1929 les plonge également dans la misère économique et sociale. C’est ainsi que, dans les années trente, le sentiment social, la montée en force des syndicats et l’impuissance du gouvernement sont exacerbés. Les émeutes sont étouffées dans le sang et un sentiment anti-américain se fait grandissant.
En 1933, alors que les Etats-Unis entreprennent le redressement de l’économie avec le New Deal, les militaires cubains prennent le pouvoir et Fulgencio Batista prend le commandement des armées. Il s’y maintiendra, dans un premier temps, jusqu’en 1940, en nommant tour à tour une demi-douzaine de présidents. A cette date, une nouvelle constitution est votée et Señor Batista est élu président pour quatre ans. Deux autres présidents se succèderont ensuite jusqu’en 52 donc, faisant vivre à Cuba ses heures les plus prospères.
Cependant, Batista, téméraire, ne s’avoue pas vaincu et, à l’aide de son armée, reprend le pouvoir : bis repetita placent. Il dissout par contre la constitution et instaure un régime qui s’apparente fort à une dictature sanguinaire, mais, je vous rassure, main dans la main avec les Etats-Unis, qui contrôlent désormais 90% de l’industrie du sucre, 80% des services publics, la moitié des chemins de fer et 44% des terres. L’industrie du Vice, avec un grand V, s’épanouit à grand aise dans ce contexte difficile.
Les contextes difficiles justement, portent souvent aux nues des personnalités fortes. Fidel Castro, avocat d’une riche famille, prend fait et cause pour son pays et, à la suite de protestations armées échoue en prison. Après avoir été gracié, il s’exile au Mexique et y rencontre le Che (cf article suivant). Deux ans de guérilla obligent bientôt Batista à fuir dès le tout premier jour de 1959.
Les compagnies américaines sont expropriées et les richesses sont redistribuées dès 1961, ce qui déplaît fort. Le 17 avril de la même année, le gouvernement américain, fort de ses expériences passées, organise un nouveau débarquement dans la Baie dite « des Cochons », de 1500 exilés cubains financés par la CIA en espérant créer un soulèvement populaire. Très pragmatiquement, Fidel Castro, pour éviter ce potentiel mouvement, fit arrêter plusieurs centaines de milliers de gens. Kennedy n’osa pas appuyer le débarquement par des frappes militaires et solda ainsi l’échec de l’opération. En octobre, Castro installe des missiles russes pointés vers les côtes américaines. Le président Kennedy déploie sa flotte et empêche ainsi, physiquement, les missiles de rejoindre l’île. Grâce à des négociations avec la Russie, il désamorça le conflit qui a bien failli virer au nucléaire et imposa ensuite un embargo sur Cuba en février 62, embargo toujours en vigueur.
Depuis le démantèlement de l’URSS, Cuba, perdant ainsi son principal acheteur, connaît une grave crise économique et la main de fer de Castro a encore une poigne qui, à son âge, force le respect. Il semblerait que, résolu, le peuple cubain, victime de son emplacement géographique et de ses ressources, attende patiemment la mort du « Lider Maximo » pour espérer des jours meilleurs.
D.A. – CC3 « Les Vacances» – Août 2007
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